Grosse surprise : voilà un Vendredi 13 scandaleusement honorable. Ce n’est pas un bon film, loin de là : mais il arrive à la hauteur des boulets de la saga Halloween. Le crapaud des slasher (la saga Vendredi 13) accède à un niveau décent. Pour autant ce New beginning n’est pas unanimement salué, bien au contraire, c’est même un outrage pour les fans de la saga. D’abord, le registre est plus ambigu, le slasher cohabitant avec une approche horrifique plus indifférenciée, libre des codes écrasants de ce sous-genre. Ensuite, l’intrigue ne se déroule pas dans le camp Crystal Lake ; et surtout, c’est un épisode sans Jason (le second dans ce cas de figure après l’opus de 1980), ce que nous apprenons au final, même s’il y aura eu moyen de s’en douter entre-temps.


Vendredi 13 pose ainsi son dispositif dans une maison de repos pour jeunes handicapés mentaux située en pleine campagne. Tommy, l’assassin de Jason dans le final du Chapitre 4, y est accueilli. Il a maintenant 18 ans et est toujours traumatisé, Jason le poursuivant jusque dans ses rêves : c’est d’ailleurs l’occasion de présenter une séquence d’exposition très réussie où Jason sort de sa tombe avec son masque et sa machette. Moyen également de laisser planer le doute, même si les rares aperçus sur le tueur trahissent la subversion. Le spectateur découvre alors le voisinage grotesque et les habitants de cette maison de réinsertion pour ados perturbés ou ‘fous’, opportunité de s’intéresser aux maux adolescents de façon très différente des quatre précédents opus (où ils étaient tous ‘dévergondés’), même si absolument rien d’intéressant n’est présenté.


Le résultat est curieux, faiblard mais fonctionnel. La construction est plus proche du drame classique, avec quelques petites ellipses et des musiques solennelles discrètes. Vendredi 13 apprend l’élégance, à son niveau et c’est bienvenue. Les personnages existent, même les bouffons et bien que certains demeurent interchangeables : ainsi, les protagonistes outrés ou burlesques du début, tués ou zappés. Le tandem formé par une mère charretière et son fils dingue se détache et réussit même à faire rire (sur un mode délibéré) à certains moments les plus ubuesques, comme celui de la ratatouille. Néanmoins les moments potaches ne sont pas relayés par la réalisation, le style étant très froid, légèrement inquiétant. Danny Steinmann n’a pas la tête à la gaudriole.


Son style très épuré est également dû à l’absence de Tom Savini aux maquillages, remplacé par un spécialiste plus obscur, Martin Becker. Cet aspect ne pénalise pas vraiment le film en étant conforme avec son orientation, mais les amateurs pourront être déroutés par la modestie des scènes de violence : néanmoins là encore c’est un atout, la violence physique véritable prenant le pas sur le gore (troupier ou sensationnel, peu importe). (Le faux) Jason se fait attendre et se tient généralement hors-champ, comme les morceaux de barbaque. Moins de graisses et de clinquant, mais une approche très sèche, assez percutante, de la part d’un metteur en scène maniant bien la suggestion et l’attente. Il serait abusif de parler de tension, mais le niveau est plus que décent ; d’ailleurs, le potentiel bucolique des Vendredi 13 est enfin vivace et il y a davantage de séquences dans la Nature, exploitant son caractère à la fois paisible et dangereusement ouvert.


Dans le contexte de sa sortie (1985, cinquième opus), c’est le Vendredi 13 le plus sobre et sérieux depuis le premier et le plus efficace de tous. Le degré d’intensité reste faible, l’ensemble tout de même assez plat, mais il y a un certain rythme, la sensation d’un sadisme rampant, tandis que les victimes ados sont plus sympathiques en raison de leur caractérisation (même faible) et de leur vulnérabilité psychologique. La fin est ambiguë mais ne tend pas de véritable perche à Jason, s’en détournant même puisque le spectacle a viré au vigilante. Cette trahison courageuse pour un résultat honorable sera cependant punie, au prix de la carrière de Steinmann.


Pour ce cinéaste peu connu, reprendre en mains Vendredi 13 constituait un véritable coup de poker et son approche a le mérite de repenser la franchise ; en même temps, elle la condamne et la contraint à avancer dans le brouillard. Le film sera un échec clair, le moins rentable jusqu’alors ; bien malgré lui, Steinmann rappelle à l’ordre Jason, lui permettant à lui comme à la saga un nouveau souffle. En effet, la franchise est relancée et cet opus de ‘crise’ sert de bouc-émissaire et de tremplin. Le jeune cinéaste se retire alors du monde du cinéma. C’est clairement une injustice.


https://zogarok.wordpress.com/2015/10/30/la-saga-vendredi-13/

Zogarok

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