Clash Touristes
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Sorti en 2022 sur les grands écrans de l’Espagne, Veneciafrenia, le dernier film d’Alex de la Iglesia aura donc attendu près de 2 ans pour être disponible chez nous, qui plus est pour sortir de manière discrète (honteuse ?) sur la plateforme Prime Video. Il s’agit pourtant du premier film d’une collection « fantastique » qui se voulait à l’origine ambitieuse, lorsqu’un accord fut signé il y a quatre ans entre Prime Video et Sony impliquant le cinéaste espagnol : une ambition dont on retrouve quelques traces dans Veneciafrenia, malheureusement recouvertes par une accumulation invraisemblable de maladresses assez indignes.
La première qualité du film est son sujet : des touristes espagnols en goguette à Venise tombent dans les griffes de psychopathes qui ont pour projet de vider la ville de ces visiteurs dont l’afflux incessant menace la survie. Nous, les touristes venus d’ailleurs, « sommes la peste » et contaminons tout ce que nous touchons, mais aussi ce que nous regardons, de notre vulgarité, de notre arrogance, de notre argent. Pour nous chasser « définitivement », les manifestations contre l’entrée de paquebots de croisière dans la lagune ne suffisent plus, il faut passer à la vitesse supérieure, et nous terrifier, voire nous exterminer. C’est là, indiscutablement, un superbe point de départ autorisant à la fois une accumulation de scènes stressantes ou gore en jouant sur l’imaginaire du carnaval vénitien, ses masques effrayants et ses costumes délirants, et une satire sociale dont nul aujourd’hui ne doute plus de la pertinence.
La seconde qualité de Veneciafrenia est la beauté étonnante de certaines scènes fantastiques, nourries d’une esthétique gothique et baroque assez inspirée – qui évoque le meilleur du Giallo (annoncé par la générique d’ouverture) -, mais aussi d’une tradition culturelle riche de sens… au point que l’on regrette que ces scènes outrancières ne soient pas plus nombreuses ! Et que l’on en arrive assez vite à admirer des monstres aussi « élégants » et sophistiqués, et à partager leur dégoût d’un touriste trop ordinaire qui a, quant à lui, perdu toute capacité de regarder la réalité autrement qu’à travers le prisme des réseaux sociaux ou de l’écran de son smartphone. Car autour de ces spectres plus ou moins fous qui tentent de sauver un héritage vénitien s’engloutissant peu à peu dans la banalité d’un monde qui salit et détruit tout, la Cité des Doges que l’on voit dans Veneciafrenia a déjà perdu beaucoup de sa superbe : si l’on déplore à Paris la saleté désormais omniprésente dans l’ex-Ville Lumière, on voit que Venise souffre bel et bien du même syndrome, désespérant.
Bref, tout cela devrait donner, sinon un chef d’œuvre, mais au moins un passionnant film de genre comme on les aime. Malheureusement, Alex de la Iglesia accumule les maladresses indignes de sa réputation : dialogues ineptes, personnages aux comportements incohérents, situations invraisemblables, ruptures de rythme incompréhensibles, scénario prenant régulièrement la tangente, effleurant des sujets qui pourraient être intéressants, mais sont ensuite abandonnés complètement. Le résultat est que l’on a souvent l’impression de regarder une pitoyable série Z… Le comble est la décision incompréhensible de Prime Video de ne pas diffuser la VO du film (en espagnol, donc), et de nous obliger à regarder une version doublée soit en anglais, soit en français : deux langues dont le rythme est incompatible avec le débit de parole des acteurs espagnols, ce qui rend le doublage encore plus inepte qu’à l’habitude.
On sort donc de ce visionnage avec le sentiment d’un véritable ratage, parfaitement inexcusable par rapport aux prémisses du film.
[Critique écrite en 2024]
Créée
le 15 mars 2024
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