Western d'apprentissage

Drôle de western américain réalisé par un Australien, "Barbarosa" (parfois appelé "La Vengeance mexicaine" en France) est avant tout un récit d'apprentissage aux contours étranges, indéfinis. Le film baigne dans les incertitudes, les non-dits, les procès d'intention, les erreurs de jugement. Au centre de ce western naturaliste largement méconnu, auquel il serait bien difficile de coller une étique plus précise (ni classique, ni spaghetti, ni crépusculaire), deux personnages attachants : Willie Nelson et ses authentiques tresses rousses dans le rôle titre et Gary Busey qui n'aura jamais autant ressemblé à un Nick Nolte aux traits adoucis.

Avec un bandit de grand chemin qui prend sous son aile un jeune fermier en fuite et lui apprend la vie dans ces contrées pas toujours accueillantes, le récit semble balisé dès les premières séquences. Mais ce sont précisément les délimitations floues des personnalités et des réputations qui font le sel de leurs pérégrinations. On est bien loin de l'image de super-héros à la Eastwood : on a affaire à des êtres on ne peut plus humains, on ne peut plus faillibles, avec leurs faiblesses et leurs contradictions. Le personnage éponyme a beau être présenté comme un redoutable pistolero par ceux qui veulent sa peau, il est très vite déchu de son piédestal physique et moral en deux ou trois coups de pinceau.

Tous les personnages naviguent à travers une succession de malentendus, des chasses à l'homme sont organisées pour les mauvaises raisons (raisons que certains finissent même par oublier ou canaliser, par intérêt personnel). Plus on avance et plus les connexions se brouillent, plus les désirs de vengeance s'avèrent infondés ou erronés. Seul Gary Busey semble grandir dans cette aventure et apprendre du chaos environnant. La scène finale le mettant en scène est assez incompréhensible (un différend de montage, à n'en pas douter), ou plus précisément irréelle, mais elle ne manque pas de charme ni de panache. Elle sonne la consécration d'un apprentissage : la boucle maître-élève est bouclée.

[AB #101]