Des corps nommés désir
Vent chaud ne saurait être résumé à 2 ou 3 scènes de sexe très explicites dont on ne sait si elles sont issues ou non des fantasmes d'un employé quadragénaire d'une usine d'engrais dans une région...
le 25 juil. 2021
3 j'aime
Dès les premières secondes de Vent chaud, et jusqu’à ses dernières d’ailleurs, on ne peut guère s’empêcher de remarquer, et pour peu que l’on ait une certaine culture du cinéma queer, à quels films et à quels réalisateurs celui-ci renvoie, nous fait penser ou tient de l’évidence, tant Daniel Nolasco paraît vouloir compiler à tout prix ce cinéma-là sans nulle autre intention. Certes, il y a bien un semblant d’histoire qui traîne, une histoire de désirs brûlants et de coup de foudre qui vire à l’obsession, mais Nolasco est visiblement plus obnubilé par son idée de best-of alléchant que par tout autre chose. Par exemple élaborer un scénario qui se tienne ou tenter d’apporter, au moins, une petite touche de singularité, originale et personnelle.
On trouvera donc dans Vent chaud, en vrac, du Alain Guiraudie dans ce regard sur une passion gay en milieu agricole et ouvrier ; du Bruce La Bruce dans pas mal de scènes de sexe cash et non simulées ; du João Pedro Rodrigues dans ce récit d’une fixette en mode fétichiste (bonjour O fantasma, auquel Vent chaud emprunte la même thématique et même plagie plusieurs séquences, le trouble en moins) ; du Kenneth Anger (Scorpio rising) et du James Bidgood (Pink narcissus) dans la mise en scène d’une imagerie onirique puissamment homoérotique ; et enfin un peu de Rainer Werner Fassbinder dans quelques éclairages expressifs à la Querelle, un peu de Pier Paolo Pasolini aussi et de Derek Jarman, sans oublier, pour parachever le tout, un soupçon de porno vintage, de Tom of Finland et de Pierre et Gilles.
Forcément, avec une telle hit list, on se dit qu’on va s’ébahir, qu’on va se délecter. Que le cinéphile aventureux égaré par ici va y trouver son bonheur, et pourquoi pas du plaisir. Que nenni. À force d’influences et d’hommages et de clins d’œil, Vent chaud s’en trouve complètement désincarné. Devient un objet arty et vain. On finit surtout par se désintéresser du sort de Sandro, bear taiseux aux rêveries peuplées de golden showers, de sperme et de cuir, et tombé raide dingue amoureux d’un macho blond décoloré, s’assommer de ses tentations fougueuses et se lasser de ses états d’âmes mal exprimés. D’autant que Leandro Faria Lelo, son interprète, est aussi expressif qu’une éponge oubliée en plein soleil.
Tout ce qui pouvait, éventuellement, permettre au film de sortir de ce schéma simplement (désespérément ?) formaliste, et surtout trop référencé, passe au second plan, envisagé a minima : réalité sociale d’un Brésil rural, questionnements autour d’une sexualité sans tabou, valse des illusions et poids de la solitude. Nolasco cherche clairement à se détacher d’un ancrage tangible, préférant égarer le spectateur dans un entrelacs de chimères fantasmatiques a priori engageant, mais son film ne nous touche jamais vraiment, reste lettre morte et dans ses volontés de réel, et dans ses expériences mi-sensorielles, mi-érotiques.
Créée
le 13 août 2021
Critique lue 808 fois
2 j'aime
D'autres avis sur Vent chaud
Vent chaud ne saurait être résumé à 2 ou 3 scènes de sexe très explicites dont on ne sait si elles sont issues ou non des fantasmes d'un employé quadragénaire d'une usine d'engrais dans une région...
le 25 juil. 2021
3 j'aime
Dès les premières secondes de Vent chaud, et jusqu’à ses dernières d’ailleurs, on ne peut guère s’empêcher de remarquer, et pour peu que l’on ait une certaine culture du cinéma queer, à quels films...
Par
le 13 août 2021
2 j'aime
Bertrand Bonello et Yann Gonzalez peuvent se rhabiller, l’érotisme homosexuel est à vivre sous les néons avec le brésilien Daniel Nolasco. Son “Vent chaud” est effectivement brûlant. Sandro est un...
le 7 juin 2023
Du même critique
Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...
Par
le 18 janv. 2017
182 j'aime
3
Un jour c’est promis, j’arrêterai de me faire avoir par ces films ultra attendus qui vous promettent du rêve pour finalement vous ramener plus bas que terre. Il ne s’agit pas ici de nier ou de...
Par
le 19 oct. 2013
179 j'aime
43
En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...
Par
le 11 oct. 2015
162 j'aime
25