Blind
Continuant son introspection sur la perte et la disparition, Naomi Kawase nous délecte toujours de son style si vaporeux avec Vers la lumière mais s’enlise dans un récit didactique et empreint de...
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le 16 janv. 2018
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S’il est difficile de retranscrire par des mots ce que nous voyons, il est aussi difficile de poser son regard sur l’essentiel et ce que l’on voit peut donc être trompeur. C’est cette dualité, tout en symétrie tournoyante comme un filet de lumière à travers un prisme, qui habite la dernière réalisation de Naomi Kawase.
Film imbriqué beaucoup plus dense qu’il veut le laisser voir de prime abord, les rayons lumineux comme les enfermements dans le noir le plus profond sont traités avec une poésie subtile et superbement touchante.
Misako dont le métier d’audio-descripteur consiste à décrire des films pour les mal/non-voyants, lors de séances de tests avec un panel représentatif de spectateurs, se retrouve confrontée aux « regards » (points de vues) de Masaya, photographe qui perd la vue, aux opinions tranchées tel un katana et au phrasé abrupte.
Entre celle qui voit les choses de façon un peu fleur-bleue et parfois de façon erronée et celui qui ne peux plus prendre de photos et qui doit ressentir son environnement par d’autres sens, une union improbable va naitre. Le duo Ayame Misaki (au visage lumineux) et Masatoshi Nagase (plus sombre mais habité par une lumière intérieure bien cachée) fonctionne à merveille et oscille, entre résilience et espoir, entre poésie douce et passages plus violents (tamisés par la conscience Japonais de ne pas trop extérioriser ses émotions).
La réalisatrice a choisi de gros, voire très gros plans, comme pour forcer le trait, à savoir que l’on ne regarde pas forcément où il faut, que l’on se concentre sur les visages sans voir le reste. Pour insister aussi sur le fait que le ressenti intérieur n’est pas forcément visible.
Parfois, nous sommes plongés dans en vue subjective et parcellaire d’un mal voyant, afin de mieux comprendre l’importance des sons, des sens, des mots. Le hors champ éclate alors et ce que l'on ne peut voir nous prive mais ce que l'on capte avec les autres sens nous semble soudainement plus juste et plus dense.
Le reste du temps, nous sommes plongés dans de superbes paysages lumineux (bravo au chef opérateur) avec des heures oranges somptueuses à faire pétiller la rétine de joie et nous remémorer la chance que nous avons (tout de même) de voir.
Le film est truffé de scènes magnifiques, comme lorsque Masaya touche le visage de Misako qu’il ne peut pas voir et qu’il souhaite deviner sous ses mains. Lui voit par l’intermédiaire de ses doigts, elle ferme les yeux pour mieux ressentir ses caresses… Ô amour lumineux !
Le film aborde aussi l’acceptation, la fugacité, la subjectivité du regard et des mots, la compréhension ou l’incompréhension qui en résulte.
Autre point fort du film, sa mise en abîme avec le questionnement de la mise en scène qui, tout en montrant le visible, doit aussi faire ressentir ce qui ne peut se montrer, ce qui est d’autant plus difficile pour les choses qui nous sont évidentes ou acquises.
Si décrire ce que l'on voit est difficile avec des mots, c’est sans mots que l'on perd sa vue.
Et comme le répète souvent le film : « rien n'est plus beau que ce que l'on a sous les yeux et qui s'apprête à disparaître. »
Rien n'est plus dur pour un photographe que de perdre la vue, de ne plus pouvoir jouer et capturer la lumière et lorsqu’il jette son appareil photo (métaphore d’un cœur arraché), il peut trouver une autre forme de lumière et se diriger, confiant : « Vers la lumière ».
PS : je serais curieux de revoir ce film en audiodescription !
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Créée
le 10 janv. 2018
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