Quinze minutes scabreuses de mauvaise augure en intro, une comédie remuante et très noire ensuite. En effet l’intro relève du beauf tapageur, bien connecté (mais avec un côté plus précieux) au misérable Very Bad Trip (2009), remake familial inavoué de ce Very bad things. Ça promet du laid et déblatère piteusement, avec le catalogue de base pour ploucs chauffés à bloc ; rien de révolutionnaire en matière de drogues, c’est en revanche assez cash niveau nudité. Pour l’enterrement de vie de garçon de Kyle, la bande a de la chance, puisque la prostituée est Kobe Tai, actrice porno dans son seul happening hors des film X ; la débauche commence à avoir de l’allure avec sa performance.
Et la débauche s’arrête là ! À partir de sa mort accidentelle, c’est l’escalade sans fin. Il faut donc virer au cauchemar pour que la séance cogne enfin et sérieusement. Une puissance et une malice insoupçonnables se déploient alors. On brise kékéland (en cravates) mais aussi la morale élémentaire ; et pas comme des petits Tarantino. Le groupe est plus ou moins sous l’emprise de Robert (Christian Slater), dont la fibre de gourou exalté peut alors s’épanouir. Très calme et en contrôle face aux événements dramatiques qui bouleversent ses camarades, Robert les invite à agir en ‘psychopathes’ cohérents pour sauver leur peau.
Même s’il ne prend pas l’ascendant dans le cadre du métrage (on reste à une situation ‘chorale’), Robert est l’objet de quelques petites fulgurances ; dans ce club des bourreaux malgré eux, le premier à mourir est également un très bon personnage en raison des proportions que prennent son angoisse et la conscience de sa culpabilité. Après le grand moment de bascule, VBT est assez aléatoire et revient rarement au même niveau d’intensité, mais il a su fournir une âme à ses personnages ; le drame agit en stimulant, en contraste avec la banalité clinquante et fatiguante de ces cinq types vulgaires de l’ouverture, dépourvus de tout côté crétin ou pittoresque qui les rendrait attachants (contrairement aux galeries de doux cinglés des Farelly, par exemple). Le scénario est un peu léger et le cafouillage jamais loin, mais recèle des choses bien écrites, presque fines.
À terme c’est une comédie quasi insolite, un alliage bizarre avec des fulgurances mesquines et trash. Le clap de fin se fait sur une séquence digne du drame social le plus pathétique : et c’est hilarant ! Cependant il y a toujours le sentiment d’une espèce de manque ; d’une illégitimité. Tout ce spectacle est ingénieux mais semble se mouvoir entre des zones d’interdits, incapable de s’ancrer dans une tonalité irrévocable. La filmographie de son réalisateur y fait écho : Very Bad Things est le premier film d’un directeur efficace mais auquel il est difficile de prêter une emprunte reconnaissable. Ainsi Peter Berg présentera par la suite Hancock et Battleship, navets industriels ‘de qualité’ mais aussi l’ambitieux et plus subtil Du sang et des larmes.
https://zogarok.wordpress.com/2018/06/30/very-bad-things/