Vestida de Azul est réalisé en 1983, quelques années après la mort de Franco et la fin du franquisme en Espagne, représentant à ce titre un très intéressant précurseur du plus célèbre Paris is Burning (1991) consacré aux drag queens de New York. Un documentaire maladroit sous certains aspects, notamment dans la mise en scène très "docufiction" de certains passages qui n'en avait à mes yeux pas la nécessité, mais une plongée remarquable de par sa sincérité dans l'intimité d'un petit groupe de femmes trans. La fin de la dictature nationale-catholique à la fin des années 1970 a très probablement contribué à rendre ce genre de témoignage plus aisé, même si le film commence par une descente de police ciblant des personnes transsexuelles qui avaient recours à la prostitution.


Sans programme particulièrement visible le doc avance de manière séquentielle, en composant les uns après les autres des portraits touchants de chacune des femmes et en les partitionnant selon plusieurs thématiques implicites, leurs activités, leur rapport à la féminité, leurs aspirations, leurs difficultés. Certains sont plus émouvants que d'autres, mais dans l'ensemble le ton est très passionné et le kaléidoscope de figures et d'expériences dépeint une pluralité de vies trans dans l'Espagne des années 1980. La voix off permet d'aborder les histoires personnelles de chacune, très différentes, en parallèle de la transition historique nationale.


C'est un document précieux car extrêmement précoce à l'échelle de la révélation concernant la transidentité, dénuée de toute dimension spectaculaire — à l'exception de quelques images de chirurgie de réassignation sexuelle qui n'étaient, il me semble, pas absolument incontournables. La nudité est en tous cas traitée en épargnant tout écart sensationnaliste, mais comme le reste avec une franchise à la fois respectueuse et explicite. Les questions de l'enfermement (aux sens mental et physique), du service militaire obligatoire, de la maltraitance, de la prostitution, des numéros artistiques, ou encore de la famille sont abordées avec beaucoup de calme et de pudeur, donnant aux témoignages un sens très fort.


https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Vestida-de-azul-de-Antonio-Gimenez-Rico-1984

Morrinson
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Mon cinéma espagnol, Top films 1984, Mes Documentaires et Cinéphilie obsessionnelle — 2024

Créée

le 1 juil. 2024

Critique lue 7 fois

1 j'aime

Morrinson

Écrit par

Critique lue 7 fois

1

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

144 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

139 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

125 j'aime

11