Voilà un film expérimental réalisé par une photographe japonaise, qui revient sur des lieux de son enfance. Par un dispositif particulier, on voit successivement sa main tenir des photos du passé et des photos d’elle en train de prendre des clichés sur les lieux que jadis son grand-père avait capturés. Maki Satake poursuit le travail de son aïeul, produisant une continuité entre les générations.
Réminiscences et rémanence du passé.
Est-ce qu’avec le temps tout s’en va ? La réponse est ici négative, et l’on sent que le temps ne s’écoule pas au Japon de la même manière que dans nos contrées, de façon peut-être plus circulaire que linéaire, comme on le voit avec l’évocation des saisons. Le projet s’interroge sur le temps par le biais de l’espace, et de son évolution. Il est d’ailleurs fascinant avec ce film de constater que rien n’a changé, que le paysage est le même que sur les phots d’antan. Bien sûr, il ne faut rien généraliser, ce ne sera jamais systématiquement le cas, nous connaissons tous des lieux qui ne seront jamais plus comme avant, le paysage évolue sans cesse, nous le savons bien, mais il reste fascinant pour moi de constater ces persistances et de retrouver dans le paysage d’aujourd’hui des traces d’un passé qui n’est peut-être pas révolu. Dans ce monde qui connait des transformations profondes et rapides, il est aussi rassurant de se dire que certaines choses ne changeront pas, même si on sait au fond de nous que c’est complètement faux.
L’arbre n’a pas bougé, il semble bien que ce soit celui de la photo du grand-père, mais peut-on en être sûr ? Si chaque arbre est différent, les arbres se ressemblent quand même beaucoup. Comment être sûr, et puis non, il n’y a pas de doute, on peut tourner autour du pot (ou de l’arbre) pendant des heures, c’est bien le même ! La rémanence des traces et donc du passé voire du grand père !
Ce grand père photographe, c’est sans doute lui qui a fait de Maki Satake une photographe, et forcément, des questions se posent : ne reste-t-il pas davantage de choses de lui en nous que nous ne pouvons l’imaginer ? N’est-il pas encore vivant, quelque part ? Ne nous aurait-il pas légué bien plus qu’on ne l’aurait imaginé ? La réalisatrice marche ainsi sur les traces de son ancêtre, au propre comme au figuré.
On a donc là une jolie réflexion sur l’espace et le temps, sur ce qui change et ce qui reste, sur la fragilité de l’homme face à une nature qui ne meurt pas ; un film sur l’héritage, sur les traces d’un passé qui persiste, et donc un retour sur soi qui interroge la nature même de son identité.
A voir sur Arte+7 jusqu'au 14 juillet 2016 :
http://www.arte.tv/guide/fr/065787-000-A/vestiges