Vice-versa préfigure les satires de l’establishment par des ’’boomers’’ contestataires comme Lindsay Anderon (If...), Michael Palin (Tomkinson's school days, premier épisode de ses '''Ripping yarns"') John Cleese (surtout le film Le sens de la vie). Les classes dominantes y sont représentées comme des pantins pompeux dressés par la famille, le pensionnat et l’armée, outres gonflées de valeurs martiales.


Premier long-métrage sur l'échange de corps parent-enfant, Vice-versa raille à la fois : la verbosité alambiquée des classes anglaises privilégiées ; ces manières prétentieuses ne servant qu'à masquer des personnalités immatures et des relations sociales primitives (au point que jusque dans un tribunal, se reproduisent les rivalités juvéniles entre écoles et les mêmes comportements serviles des fayots du prof envers le juge sénile) ; l'adhésion des classes dominantes aux valeurs militaires (d'où les duels pour l'honneur où l'on est prêt à s'entretuer pour des trivialités, et bien sûr aussi la colonisation)... Et dénonce nonchalamment le vol d’œuvres de culte, puisque cette histoire commence par l'appropriation en Inde, d'une relique religieuse (à l'authenticité douteuse bien que très efficace), porteuse d'une malédiction (la magie devenant , dans de nombreuses fictions, l’ultime recours d'un peuple lésé - même si dans la réalité ça n'a jamais marché et que la technologie les a tous écrabouillés).


Bien qu'il fût explicitement situé en 1896, Vice-versa, sorti en 1948, décrivait un milieu social inchangé. La grande-bretagne de la première moitié du XXe siècle, celle de la révolution industrielle, du capitalisme et de la royauté parlementaire, restait un monde féodal, aux hiérarchies sociales héréditaires et rigides (une société modelée et centrée sur l'armée - somme toute, comme le Japon, l'Allemagne, et les pays moins économiquement développés que l'Angleterre conquérait, tels l'Inde et l'Aghanistan, ou les monarchies en général) .
Pour vous donner une idée, dans une autobiographie qui éclaire un peu les rouages de cette société sclérosée, le roué David Niven racontait comment il avait su passer par toutes les étapes obligatoires (pensionnat, carrière militaire) pour "arriver" (mais il omettait de mentionner les plus déplaisants aspects de la vie en pensionnat - violences des profs et des élèves plus âgés auxquels était due une soumisssion absolue).


Le scénario compose une vivante galerie de personnages. Le fils naif va, dans la peau de son père, oublier sa petite amie et draguer éhontément la bonne (et investir audacieusement dans l'industrie automobile), le père obtus va sous les traits de son fils, se confronter aux affres de la vie en pensionnat, tandis que sa "cocotte" va s'associer à son beau-frère (le filou impénitent qui s'est débarrassé de la malédiction sur lui) pour lui extorquer tout son argent. Le directeur du pensionnat est le plus grandiose crétin de tous ces hommes engoncés dans leurs certitudes. Les femmes sont un peu moins bornées.


Sorti dans une courte période d'explosion de la production cinématographique anglaise, le film de Peter Ustinov détonnait dans ce contexte post-guerrier d’exaltation du courage populaire - sonnant comme un écho lointain, via une trame innocemment située aux temps glorieux de l’empire de sherlock holmes, à l’accession de l’Inde à l’indépendance. Cette comédie aux forts accents satiriques (de la haute société anglaise) préfigure l'autodérision acerbe qui se répandrait parmi les natifs de la perverse Albion.


High school hijinks in high society.


Et voici peut-être pourquoi, dans ces histoires d'échanges de corps, les parents vivent rarement en couple (le premier Freaky Friday faisant exception)
(le sketch de SNL écrit par John Mulaney, Sitcom reboot)

ChatonMarmot
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le 26 déc. 2022

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