Il est bon de savoir que je suis amateur de snuff-movies (pas le concept en lui-même, mais les formes d'art qui en parlent & en jugent certains aspects pour confronter l'humain à son ultra-violence légitime mais illégale car prohibée). Ces films vont loin, très loin, & il va sans dire que "Videodrome" est certainement l'une des oeuvres les plus fameuses qui parviennent à traiter le sujet tout en restant dans la limite de l'éthique.
Ce qui est intéressant avec Cronenberg, c'est cette manie qu'il a de brouiller tout esprit de lucidité, d'une part par l'anxiété de la chair (vue & ressentie), par ailleurs en extrayant toute cohérence logique de la tête du spectateur. On avait déjà eu droit à un exploit semblable dans son "Festin Nu", véritable ode pleine de réussite & d'expérimentations engagées ; toutefois ici, c'est l'excroissance psychologique de la démence solitaire qui établit l'ordre d'idées du réalisateur, les hallucinations paranoïaques, l'inévitable descente aux enfers due à la discordance de la réalité dans laquelle évolue cette espèce d'anti-héros presque indéfini, dont les délires sont tellement irrationnels que celui-ci plonge dans une sorte d'évanescence qui lui ôte peu à peu sa conscience manichéenne. C'est à coups de métamorphoses bien salopées & d'hésitations quant à la réalité des évènements que le réalisateur essaie de livrer son message dénonciateur : la violence & le manque de tact diffusés par la télévision sont de pire en pire, & là on peut affirmer que l'homme est visionnaire, car aujourd'hui la télévision est au summum de l'abomination. Qu'en est-il de nos valeurs, de nos traditions & de notre puissance individuelle ? Sommes-nous uniquement les ombres de nous-mêmes à présent ?
Le film est donc sympathique à suivre, bien qu'un peu longuet & surfait, c'est d'ailleurs pour cela que je ne parviens pas à lui accorder une note autre qu'intermédiaire. Là où Cronenberg réussit des chefs-d'oeuvre expérimentaux sans équivoques, on le trouve pourtant assez peu doué dans certains films & voilà une part de déception qui n'est pas négligeable. Je ne sais pas s'il est bon de recommander "Videodrome" ou non, toujours est-il qu'il s'agit d'un divertissement convenable, dont les prétentions ne sont pas abouties, & pour cause on finit par s'y ennuyer, pas de lassitude ou de frustration, seulement de ce genre de fatigue causée par des facilités qui auraient pu s'avérer exquises. Dommage.