Depuis l'abandon des deux plus gros projets de films de vikings dont on ne peut douter qu'ils auraient secoué notre époque engourdie (Berserker de Mel Gibson et The Northmen de John Milius), on ne peut pas dire que la bande annonce de ce VIKING n'ait pas excité la fibre épique qui réside en nous...
Le film prend place en 977 et s'inspire de divers récits mythologiques. On suit donc le jeune et fringant prince exilé Vladimir qui, opposé à son frère Yaropolk qui règne sur la russie kievienne, s'allie avec une troupe de vikings afin de reconquérir le territoire. Cette épopée va changer l'histoire du continent pour toujours et imposera la religion chrétienne sur les anciens rites païens.
Depuis sa sortie, ce méga budget (19 millions de dollars) a rempli les salles russes et déchainé les polémiques. Difficile, lorsqu'on n'est pas familier de l'histoire et des mythes russes de comprendre tous les tenants et aboutissants de la lecture particulière qu'offre Viking mais tout, autour de ce film, sent le souffre... Disons en gros que, partiellement tourné en Crimée juste après l'annexion de 2014, Viking participe à la propagande du Kremlin en faisant de la future capitale de l'Ukraine, Kiev, le cœur historique d'une future Russie aux racines scandinaves. La représentation unilatéralement barbare des personnages fait enrager certains nationalistes et les orthodoxes ne lui pardonnent pas son portrait peu subtil du futur Saint Vladimir.
C'est pourtant la rédemption de cette figure brutale qui est au centre de l'intrigue, abandonnant les anciens dieux pour se convertir à la foi chrétienne, transformant la société rus, elle va faire glisser le film d'une reconstitution à la Conan à un final d'une improbable béatitude kitch !
Mais, au delà des implications politiques actuelles et des déclarations d'un Poutine rappelant les commentaires cinéphiles de Ronald Reagan à la grande époque, il reste le film en lui-même : une fresque historique romancée qui prend soin à articuler ensemble bagarres, mises à sac, guerres, viols, sièges et escarmouches. On sent que les auteurs ont bénéficié d'un gros budget leur permettant de reconstruire un village, de mobiliser des dizaines de cavaliers cascadeurs et d'aligner un nombre conséquent de figurants sapés à la dernière mode de l'an mil, fringues en poils de yaks, casques agressifs et haches de toutes sortes compris.
Quelques lieux impressionnent, même si parfois (souvent) on aimerait en profiter un peu plus (les forêts enneigées, les steppes à perte de vue, le vent dans ses cheveux etc etc). Le problème, au delà des implications parfois nébuleuses de ce qui se trame, est l'impression constante de louper des épisodes. Il parait que le film, dans un director's cut interminable, devrait arriver à la télévision sous la forme d'une mini série. Ce sentiment qu'il manque des bouts provient effectivement d'une suite ininterrompue d'ellipses qui rendent la narration parfois confuse et souvent pénible. Tout ça brouille les repères géographiques (on ne voit jamais personne voyager, ils se téléportent) et annihile toute idée de temporalité (impossible de dire sur combien de jours, de mois, ou d'années se déroule l'histoire). Mis à part l'acteur principal (un peu falot), c'est globalement très bien joué, le film demandant essentiellement à un casting presqu'intégralement composé de gros barbus de parler en criant et de se taper le torse avec des haches, ce qu'ils font très bien et de manière, souvent, très convaincante. L'acteur qui interprète Vladimir, lui, est plus nuancé (il a un bouc à la place d'une grosse barbe) et s'il commence le film en sous Aragorn, il termine le film de manière beaucoup plus habitée lorsqu'il s'agit d'interpréter une sorte de jésus des steppes.
C'est brutal, sans concession, violent (mais sans être gore) et si le film est plutôt assez balourd, mollement mis en boite et semble souvent monté de traviole, on ne peut que lui reconnaitre d'enquiller pendant presque 2 heures et demi un grand nombre de plans épiques incroyablement puissants. Dommage que la musique, dans son choix de se rapprocher des sonorités de l'époque, manque complètement son but. C'est le Prokofiev d'Alexandre Nevsky qu'il fallait pour exciter le spectateur devant la danse des haches, les ballets de flèches et les pogos de barbares !
Au final, un peu long, souvent obscur et déroutant, ce Viking ne nous vengera pas du manque cruel que représente l'annulation des projets de Milius et Gibson et souvent, si on pense à pas mal de films (Excalibur, Wicker Man, le Seigneur des Anneaux aussi), c'est bien l'ombre de ces deux lascars qui plane sans cesse. Qu'auraient ils fait d'une fresque pareille ?