« Ville sans pitié » est un film étonnant et passionnant sur plus d’un point. De par son sujet déjà, traiter du viol d’une jeune allemande par des soldats américains en pleine guerre froide était déjà gonflé. Ajoutez à cela que le très moraliste code Hays était encore en vigueur à Hollywood et vous aurez une idée des risques que prenait la production. Par delà le procès du viol, c’est également le procès moral d’une société allemande bourgeoise, réactionnaire et paternaliste qui est fait ici. Le personnage joué par Kirk Douglas est pétri d’ambiguïtés, il est un peu le double inversé de l’officier humaniste qu’il jouait dans « Les sentiers de la gloire ». Rongé par le cynisme, il joue à fond la carte de l’hypocrisie morale qui domine la population de cette petite ville pour gagner son procès. « La vieillesse jalouse la jeunesse, la laideur hait la beauté » avouera-t-il à une journaliste lors d’une soirée arrosée. Au final (spoiler) les coupables seront condamnés à des peines de prison mais échapperont à la peine de mort, alors que la jeunesse sera sacrifiée sur l’autel de la bonne morale conservatrice. Autant dire que pour une production hollywoodienne (co-produite avec de l’argent européen) le point de vue est on ne peut plus radical.