La meule de l’emploi
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Vingt Dieux est le film du Festival de Cannes qui revêt pour monter le tapis rouge le costume du film d'apprentissage, qu'il sublime avec un paysage jurassien décidément présent cette année (Le Roman de Jim) et une belle tranche de Comté.
Dans ce long-métrage réalisé par la jeune réalisatrice Louise Courvoisier, qui obtient ici son premier succès grand public, on suit les méandres de Totone, tout juste majeur, qui écume ses après-midi à moto et finit bien souvent en soirée avec ses amis.
Ce train de vie assez banal déraille le jour où Totone et Claire, sa petite sœur de 7 ans, se retrouvent orphelins : le film devient dès lors une tendre épopée pour que le duo parvienne à subvenir à leurs propres besoins, le jeune homme mêlant figure fraternelle et paternelle pour sa sœur, sans prédestination aucune pour les deux emplois.
Ce dernier, avec l'aide de ses amis, pense alors trouver une solution miracle à des soucis financiers avec le Comté, symbolique du Jura, et son label. Le meilleur Comté de la région étant chaque année récompensé par une médaille et de jolies sommes, Totone - et sa soeur, brillamment jouée par la très jeune Luna Garret, qui met en valeur la justesse du casting sauvage réalisé par l'équipe du film - s'attellent ainsi, en reprenant l'entreprise paternelle, à la production de fromage.
Les enjeux du film se retrouvent ainsi au cœur des relations : qu'est-ce qu'être un bon (re)père ? Faut-il faire primer sa propre famille ou un amour naissant ? Où l'amitié et le soutien qui en découle trouvent-ils leurs limites ?
Dans le film, en effet, le jeune Totone, qui vit d'amours brefs et difficiles fait la rencontre de Marie-Lise : déjà agricultrice, elle fait figure de miroir pour lui : elle est déjà indépendante, vit une vie adulte, de labeur, tournée vers l'âpreté des tâches liées à l'élevage de vaches.
Le pays du Jura est très bien filmé : les paysages agricoles sont sublimés, la photographie, très solaire, permet de faire l'éloge de la pellicule, les musiques empathiques accompagnent toujours -sans en faire trop- les situations.
Des sommaires aux vues aériennes des personnages perchés sur leurs tracteurs ou motos, le film embrasse le monde de l'agriculture comme le ferait un Dominique Marchais (Le Temps des Grâces) parcouru par la jeunesse, avec une grande justesse, et un regard d'auteur.
L'adresse de la réalisatrice est multiscalaire : les relations sont douces et travaillées, aussi bien fraternellement qu'amoureusement, le film alterne moments de tendresse et parenthèses enchantées, et le film est également un grand film de paysage, ces relations et enjeux étant sublimés par le cadre du Jura dans lequel l'intrigue est profondément ancrée, tant par ses productions que l'accent chantant qui résonne tout le film.
Le film sait se passer de mots, faire circuler les sentiments par le regard notamment, parfois sans dialogues, et invite le spectateur à cette circulation, à laquelle j'ai pris part avec plaisir.
Si la fin du film, entre amour fraternel et amical, et drôlerie amoureuse, m'a laissé un grand sourire et des rêveries sur la suite de la vie de Totone, Marie-Lise et leur microcosme agricole, le long-métrage loin d'une simple brise rafraîchissante reste très marquant dans le temps.
Vrai coup de cœur pour ma part, Vingt Dieux étant le film de la Quinzaine que j'ai préféré, j'invite chaque lecteur de cette critique à aller le voir...
Et à ne pas hésiter à en parler avec moi, le débat, j'aime ça ! :)
Créée
le 21 mai 2024
Modifiée
le 6 déc. 2024
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