Le rape and Revenge a toujours été un genre parfaitement codifié et souvent délicat à aborder de par ses contradictions morales et c'est peut être encore plus le cas à notre époque un peu crispée entre un féminisme qui a parfois tendance à voir le mâle partout et des virilistes qui semblent craindre à chaque seconde de voir leurs attributs virils arrachés pour être cuisinés dans un grand woke. Violation de Dusty Mancinelli et Madeleine Sims-Fewer a donc déjà le mérite d'exister et de proposer en plus une approche assez différente du schéma classique en trois actes avec la jeune fille innocente confrontés à des bêtes féroces puis la scène de viol percutante permettant de justifier par la suite la vengeance cathartique et bestiale de la victime ou de ses proches. Violation bouscule un petit peu tout à travers un film qui tient bien plus du drame intimiste que des archétypes du cinéma d'exploitation pour livrer au bout du compte un film délicieusement inconfortable.
Violation c'est l'histoire de Miriam qui va passer quelques jours avec son mari chez sa sœur et son beau frère . Un peu paumée, Miriam est au bord du divorce et connait une relation conflictuelle avec sa sœur . C'est dans ce contexte qu'un rapprochement fait de confidences et de souvenirs va s'opérer entre Miriam et son beau frère qu'elle connaît depuis de longues années.
Madeleine Sims-Fewer est à la fois scénariste, réalisatrice en compagnie de Dusty Mancinelli mais aussi comédienne principale du film. Les deux coréalisateurs et coscénaristes ont construit le film sur des expériences personnelles de traumatisme et d'abus sexuels avec pour principale note d'intention de rendre à l'image l'état trouble et traumatique d'une victime. Il faut tout d'abord savoir que sans reprendre le principe de narration à rebours de Irréversible , Violation n'est pas un récit linéaire et qu'il va même s'amuser à brouiller les pistes comme pour épouser la reconstruction d'un souvenir traumatique. Dans ce contexte la vengeance de Miriam arrivera même avant la scène qui scelle habituellement la légitimité de la libération exutoire de la violence. Le film joue même de cette manière et de façon assez intelligente sur des questions qui sont souvent fondamentales dans une affaire de viol et d'abus sexuel qui sont le doute et la notion de consentement ressenti. Loin d'avoir affaire à des bruts et des inconnus, Miriam est ici victime d'un proche avec lequel elle flirte, se confie et se rapproche au bord d'un feu de camp. Une manière pertinente de rappeler que beaucoup d'abus sexuels ont lieu dans une sphère privée, voir familiale et que peu importe ce qui le précède un NON n'a jamais été un Oui déguisé. Miriam va alors tout autant souffrir de l'acte lui même que d'une forme de culpabilité accentuée par l'incompréhension, le rejet et l'incrédulité de sa propre sœur renvoyant au vertige qu'une victime se retrouve souvent seule face au monde et que la première étape de sa reconstruction reste souvent de rencontrer crédulité et compréhension.
Outre sa construction destructurée et sa forme qui prend des aspects d'une mélancolique et dramatique réunion familiale ( le film bénéficie d'une très belle photographie), Violation va également prendre à rebours les attentes du spectateur que ce soit lors de la scène du viol ou celle de la vengeance.
Dusty Mancinelli et Madeleine Sims-Fewer réussissent déjà à proposer une séquence de viol qui soit marquante sans être voyeuriste et qui soit percutante sans être démonstrative. La scène se compose de très gros plans (propre à la pornographie) mais qui ne sont jamais sexuellement explicites; et si l'on voit à l'écran des mains caressantes sur la peau, des frôlements de tissus, l'œil de entrouvert et humide de la victime jamais les deux réalisateurs ne choisissent l'option de l'effet choc pour appuyer la nature abject de l'acte lui même. Par extrapolation la scène ressemblerait presque à une étreinte classique et douce à cette différence que l'on entendras distinctement la victime dire NON (le travail sur le son est d'ailleurs formidable), une façon peut être pour les deux réalisateurs de rappeler que même sans violence un viol reste un viol et un abus de confiance. Quant à la vengeance elle sera un long processus maladif et difficile bien loin de la grande libération cathartique et jouissive souvent montrée dans les rape and revenge. La camera s'éloigne et prend de la distance comme si les deux réalisateurs s'éloignaient de l'acte lui même et l'on assiste à une revanche presque aussi douloureuse pour la victime que pour son bourreau. Une violence sèche qui s'accompagne d'une représentation assez voyeuriste et dérangeante d'un type vulnérable en érection, double symbolique d'une pseudo domination phallique réduite désormais à l'état de soumission. Violation qui ne se voudra jamais être une apologie de la vengeance nous plongera alors dans des séquences froides et vomitives (la gerbe de l'actrice semble garantie sans trucages) d'une mise à mort suivi d'un démembrement bien plus clinique que spectaculaire.
Violation parvient donc à être à la fois un pur rape and revenge sans jamais l'être complétement. A ce titre c'est assez amusant de constater que je suis assez d'accord avec certains points de cette critique qui démolit le film pour les mêmes raisons que moi je le trouves très intéressant.
Même si je suis et resterais toujours client du genre dans sa forme la plus basique de cinéma d'exploitation avec tout ce qu'il pourras contenir de radicalité, de contradictions malsaines et de violence, ce Violation apporte incontestablement une nouvelle approche peut être plus cérébrale et dramatique que basique et spectaculaire, mais en tout cas tout aussi forte et perturbante