Jayhawkers : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jayhawkers
C’est l’histoire d’une émotion entre deux hommes. Certains se précipiteront pour remplacer le terme « émotion » par « Amour ». C’est sans compter que ce dernier terme s’applique à une notion assez vague, regroupant au besoin des sentiments ou des pulsions sexuelles, des attirances ou des fascinations. De là à se lancer dans la psychologie facile et d’apposer le tampon « gay » au film, avec l’excuse de la censure d’époque, il n’y a pas loin. Je crois que c’est moins simple que ça. Il y aurait des livres à écrire sur les sentiments émotifs non sexuels mais je ne vais pas commencer ici.
Deux hommes donc : Le premier est un condamné à qui les autorités proposent un marché : sa liberté contre la tête de l’assassin de sa femme qui se trouve être le chef des « jayhawkers red legs», une bande de pillards impérialisant le Kansas. La vengeance est un moteur aussi fort que la promesse de liberté et il accepte la mission. L’autre homme, c’est le meurtrier, le brigand mégalo, admirateur de Napoléon, qui veut conquérir tout le Kansas ville par ville.
Le héros obsédé par son désir de vengeance retourne d’abord, la rage au ventre, à la ferme qu’on lui a volée. Il fait alors la connaissance des occupants : une veuve et ses deux enfants qui gère avec difficultés cette ferme achetée par son mari aux enchères. L’homme a été assassiné par les « red legs », comme l’épouse du héros.
Le revanchard est troublé; il apprend que son épouse décédée n’était pas vraiment sans reproches (je n’en dis pas plus). De plus la jeune femme qu’il découvre, française immigrée (Nicole Maurey), n’est pas sans charme, les deux enfants sont mignons. Les faits qui motivaient sa haine sont donc plus complexes que ce qu’il croyait et les contradictions entre besoin de vengeance et besoin de vivre commencent leur travail de sape. .
Il se met à la recherche du groupe de « red legs » et parvient à intégrer la bande ; il fait la connaissance du chef, l’assassin de sa femme (Jeff Chandler). Mais là encore, le bandit qu’il veut livrer à la justice ne suscite pas en lui assez de haine pour mener à bien sa mission sans scrupules. Certaines scènes sont filmées de façon ambiguë et le rôle de Chandler est tout en nuances. Certes, c’est un brigand et un assassin mais quelque chose en lui force le respect. Là encore le charme agit. Et plus original encore, il agit sur les deux hommes. L’émotion est réciproque et sincère entre le salaud et le gentil ; ça se corse.
Il me faut m’arrêter là dans le dévoilement des faits. La situation est cornélienne. Car Parker ne renonce pas à sa mission mais ne parvient pas à la mener à bien. L’histoire avancera quand même grâce et à cause de la morale, qui évoluera elle aussi et, finalement, s’imposera mais avec quelle difficultés.
Fess Parker joue ce héros fort mais déstabilisé ; il est assez intéressant et sobre (je sais qu’il est de bon ton de critiquer cet acteur que je connais mal ; ici il m’a paru convaincant). L’accent de la française Nicole Maurey est cocasse ; il faut noter que son personnage aussi sera sensible au charme du brigand pourtant responsable de son malheur.
Jeff Chandler est splendide dans le rôle du Napoléon du Kansas, un peu allumé donc, vêtu en européen, goûtant des vins fins et politicien implacable et doux, maniant la démagogie avec conviction. Son jeu est tel que le charme du bandit agit pleinement sur le spectateur qui ne doute pas de la sincérité de cet homme qu’on devrait haïr sans y parvenir.
Jeff Chandler est-il aussi talentueux dans ses autres films ? Ou est-ce les bons rôles qui font les bons acteurs ? Je vais m’atteler à sa filmographie qui n’est pas énorme puisqu’il est mort (d’un accident de chirurgie) assez jeune.
On reconnaîtra, et c’est encore un petit bonus pour ce film, des méchants que nous aimons retrouver comme Henry Silva, Leo Gordon, Frank DeKova et Harry Dean Stanton.
« VIOLENCE AU KANSAS » n’est pas un film simple. Il faut le savoir. Il y a de l’action et des surprises mais c’est surtout l'évolution des rapports entre les personnages qui fait le prix de ce film.