12 Travaux Bis : episode 8
Mission de l'extrême, regarder ce polar d'action fantastique 90's extirpé des entrailles insondables de Hong-Kong et vanté par au moins 5 fanatiques en d'autres lieux plus crépusculaires, sans sous-titre pour couronner le tout, avec une résolution de 350x180 pixels toute pourrie, un double canal audio cantonais / mandarin forcé de rester en stéréo, sinon on a même pas droit à toute la bande originale et sonore. Du coup on entend le cantonais avec un fond de mandarin, c'est la joie, sonneries de téléphones de l'au delà et sirènes à fond de chorus, ambiance psychopathe garantie... Et c'est catastrophique, vraiment super mal réalisé. Pourtant, aucun autre cinéma n'arrive à me surprendre au point que je puisse avaler ses pires bouses sans me plaindre, et ce depuis des années. Même dans les rares cas où il n'y a même pas de sous-titre comme ici, on sait que tout est possible à n'importe quel niveau de profondeur. Et on lance le fichier, pourri ou pas. HK power !
(Au passage, HKMDB a raison, ce film est réalisé par Dick Wei et non Robert Lau Tak Wah, c'est marqué au générique. ça le rapprocherait presque de l'expérience d'un escape from brothel, réalisation de Johnny Wang à la même époque, lui aussi second rôle physique habitué aux bad guys. On croirait presque que Dick Wei veut mélanger tout les réalisateurs avec qui il a travaillé dans un seul film et faire la même chose que Johnny, un truc fantastique et noir à lui, Tsui Hark et vaguement cyber punk si possible. Vu qu'il s'est traîné dans un nombre incalculable de genres, le résultat dévaste toute cohérence. Il est pourtant bon à sa place, les combats. Mais réaliser un film, c'est autre chose que faire le méchant. Dick Wei montre vite ses limites de réalisateur. Mais il a très envie de péter un câble à son tour en cette période de Cat III pré-rétrocession parés à tous les défouloirs, davantage dans l'ambiance fantastique et foutraque que dans les chorés très fainéantes.)
Question vengeance et visions proche de L'enfer de Dante sauce HK, on avait déjà obtenu un surprenant navet psychédélique de Chang Cheh : Heaven and Hell. Soupe kitch, colorée unique en son genre. Mais c'était fin 70's, ça collait à l'époque. Pas grave, allons-y.
Alors, on prend une base 90's de polar d'action noir et sanglant, où le méchant (Dick Wei lui-même tant qu'à faire) assassine la femme et l'enfant du héros dès la première scène. Hop, scène de commissariat qui suit, passage obligé de l'actioner en règles. Hé mais attendez, qu'est-ce qui se passe maintenant ? J'aimerais bien qu'on m'explique pourquoi les flics revanchards portent des Perfecto floqués Hell's Angel et friment comme un gang viré de chez John Woo ? Et Un magicien Taoïste maintenant ! Comment ? Quoi ? Attendez, sans sous-titres je comprends rien mais quand même, Le flic en Perfecto Hell's Angel descend dans les enfers pour venger sa femme grâce au moine Taoïste et tombe sur un vampire et des zombies ? Il sort la gousse d'ail, le crucifix, le pieux mais finalement rien ne tue mieux le vampire qu'un flingue !? Indiana Jones ? Jet de sang vert fluo ? Predator ? Bazooka. Ok. Donc, Christopher Nolan a inventé le subconscient militarisé, Dick Wei avait déjà pondu l'enfer militarisé. L'enfer, c'est donc une sorte d'île prison avec des militaires, beaucoup de fumée, des lumières bleues, des spots, des boîtes de nuit avec lap dance sur la lambada au Casio et des clients Gweilos avec des serre-tête lumineux, avec deux petites étoiles au bout, très seyant. C'est plein de détenus zombiesques châtiés pour leurs pêchés aussi (heaven and hell / enfer de Dante), et la boutique est gérée par un Guerrier en armure médiévale rouge qui lance des éclairs et apparaît en gros plan en surimpression sur le décor. D'accord...
Parfois, ça peut être un régal quand l'action a de l'inventivité à revendre. Là même pas. C'est super mal réalisé, je vous dis, on se croirait dans Health Warning par moment, sans compter l'attaque de ninjas taiwanais, pas compris là non plus. Mais à d'autres moments, il y a comme de la magie dans l'air on ne sait par quel miracle.
Ici encore, on franchit la limite du naze, même pas drôle, juste insensé de menfoutisme foutraque et le tout avec un premier degré hallucinant. Ce n'est pas mauvais comme un nanar, on garde une certaine ambiance fantastique très singulière. La grosse première demi-heure est savoureuse, je m'en délecte même. Passer d'un polar d'action revanchard à un Hell movie fantastique avec des fantômes sans un seul temps mort, c'est quelque chose. Après, y a un creux 15 grosses minutes, enfin, on voudrait juste comprendre un peu ce qui se raconte au moins une fois dans cette cafétéria pénitentiaire de l'enfer. Et puis ça repart avec le deuxième vcd, plus timide quand même, jusqu'au final. Rien que Dick Wei qui prend son pied à jouer Dark Sidious en balançant des éclairs de ses mains, où son pote gardien qui utilise sa matraque / sabre laser, ou l'autre plus commun et son fouet éclair, et ces bribes comiques alors que tout est dark et très sérieux à côté, et ce plan final fixe joyeux alors que sa femme et son fils sont toujours morts depuis la première scène... Comment peut-on aller aussi loin dans la fange du divertissement tout en gardant cette surprise indéfinissable de la scène jamais vue avant ? C'est un exploit que le cinéma de Hong Kong ne cesse de me montrer depuis plus 10 ans.
ps : il faut des sous-titres pour cette chose. Je veux comprendre.