Un Glitch sans fin
À l’instar de Shinya Tsukamoto, Andrey Iskanov est un touche à tout qui malgré la misère rachitique de ses budgets, parvient quand même à faire illusion grâce à ses artifices de mise en scène et ses...
le 19 avr. 2024
À l’instar de Shinya Tsukamoto, Andrey Iskanov est un touche à tout qui malgré la misère rachitique de ses budgets, parvient quand même à faire illusion grâce à ses artifices de mise en scène et ses propositions jusqu’au-boutiste. Le réalisateur était surtout connu jusqu’ici pour avoir réalisé l’un des films les plus extrêmes de tous les temps (Philosophy of a Knife), un shokumentary de près de 4h30 retraçant les expérimentations du camp 731 au Japon étayé par des images d’archive, des témoignages et reconstitutions presque insoutenable pour les âmes les plus sensibles. Un sujet tabou qui avait déjà été abordé par Mou Tun-Fei dans Men Behind the Sun en 1988 et qui avait pas mal secoué l’opinion public. Mais avant d’atteindre sa maturité filmique, le jeune auteur s’est essayé à des films tout aussi expérimentaux, notamment avec Nails, une œuvre psychédélique et extra-sensorielle qui s’apparentait à un gros bad-trip sous LSD. Un tueur à gage frappé de violente crises de migraines se soignait en s’enfonçant des clous dans le cerveau ce qui finissait par altérer sa perception de la réalité. Ce premier essai mitigé, n’était pas pour autant dénué d’intérêt mais manquait réellement de moyen pour aller au bout de ses ambitions hallucinatoires. Visions of Suffering s’inscrit dans le même prolongement thématique à un degrés de sophistication plus poussé dont on retrouve les digressions visuels et sonore, sorte de kaléidoscope de couleurs, de flash et de lumières, de scènes gore parfois totalement surréaliste dans un univers fantasmagorique.
Dès son introduction, Andrey Iskanov n’hésite d’ailleurs pas à maltraiter son public en le martelant de scènes de cul explicite mêlé à des images gore, des composition macabre et des vidéos dérangeantes (séance d’exorcisme, torture et dissection de corps humains) de manière à réunir mort et plaisir charnel sur le même plan comme pouvait le faire Jörg Buttgereit avec Nekromantik. Malheureusement, cette entrée en matière certes immersive manque quelque peu de subtilité, si bien que l’on a l’impression de voir le travail d’un adolescent qui se serait amusé à livrer un pastiche des archives les plus sordide de l’histoire pour jouer avec le feu comme d’autres se prenait en photo en faisant un Hitler devant leur miroir, ou se connecter à 21heures sur MSN messenger en s’affichant avec une croix gammée pour troller comme les noéliste du 15-18 sur JV.com. L’auteur offre en revanche des séquences plus intéressantes en extérieur, avec une sorte de baba yega et un stalker mutant qui seront malheureusement sous-exploité dans l’intrigue. On retrouvera dans ce film le même rapport à la douleur que dans Nails ainsi que l’enfermement physique et psychologique de son principal interprète parano et reclus dans son appartement, en proie à des cauchemars dès qu’il se met à pleuvoir et harcelé par la présence de vampires qui tentent de parasiter sa ligne téléphonique et de l’entraîner irrémédiablement dans leur monde lorsqu’il s’assoupit. Le personnage va alors entamer une grève contre le sommeil sur les conseils avisés d’un technicien qui va le gratifier de ses leçons de philo et de ses phrases plus longue que la vie. Le réalisateur abolit toute forme de normalité à de rares exceptions près pour épouser pleinement le délire frénétique de se mise en scène avec un montage stroboscopique et heurté qui annihile tout nos repères spatiaux, et brouille activement la frontière entre cauchemar et réalité si bien que les deux mondes finissent par entrer en collision comme ce plan qui s’attarde sur une infusion de thé. Néanmoins, on sent bien que les tentatives sont parfois plus hasardeuse voir même complaisante (l’érotisme forcé, les déformations organique Cronenbergienne, le masochisme Tetsuesque) et que ces multiples gros plan et trahisons des règles cinégénique font surtout office de cache-misère.
Visions of Suffering porte bien son nom puisqu’il alimente l’obsession morbide de son auteur pour la souffrance, les châtiments et sévices corporelles. À mesure de cette plongée dans les méandres d’un esprit torturé, un démon (Golgotha) va surgir de l’au-delà pour harceler le personnage, se ronger les sangs, et mutiler des âmes tourmentés. Certaines séquences semble parfois totalement déconnecté du reste ce qui occasionne quelques ruptures de ton audacieuse, dérangeante voir même fascinante, comme ces harpies en imper noir emprunté à Dark City de Alex Proyas, épiant le locataire du regard ou bien cette succube de l’enfer au sourire carnassier dont l’ombre projeté évoque le Nosferatu de Murnau. D’autres en revanche déçoivent et opère une césure avec l’étalonnage appliqué au reste du long-métrage, on pense notamment à ce charlatan qui se prétend chamane et qui propose ses services en l’échange d’une forte somme d’argent à l’image des maraboutages africains réparant votre ordinateur à distance avec la garanti de vous faire enfiler. Il s’agit d’ailleurs d’une version director’s cut distribué par Spasmo Video et raccourci d’une demi-heure censé gagner d’avantage en clarté. L’intérêt sera donc à géométrie variable, puisque l’aspect formelle de l’oeuvre prend le pas sur ses rares ambitions narratives. Finalement le plaisir réside surtout dans l’inconfort de visionnage (à déconseiller aux épileptique) son image saccadé et délavé filmé comme un mauvais found-footage en DV, bardé de filtre de couleurs et d’effet sépia et parasité par des glitch visuels et sonore qui vous éclate la rétine et les tympans à coup de marteau piqueur. L’expérience se veut avant tout sensorielle, certaines images marquent durablement et nous reste en mémoire, et il ne fait aucun doute que le film ne laissera personne indifférent.
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le 19 avr. 2024
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