Se plonger dans un classique n'est pas sans risque. On peut découvrir que l'affiche est trompeuse (non, Marlon Brando ne soumet aucune captive réticente en rentrant son ventre comme un plongeur en apnée), ou qu'une icône de l'actor studio a recours a des trucs ridicules (comme ne pas se servir de sa lèvre inférieure pour parler, ou se coller de drôles de bidules sur les paupières dans un but obscur, qui ne devait pas être d'avoir l'air de se chasser un moucheron de l’œil à chaque scène, quand on sait que le seul personnage historique de l'époque atteint de strabisme était Huerta, ou encore se planter dans le cadre dans un contrapposto avantageux de playboy tropézien ) pour camper son personnage, ou encore que des raccourcis historiques radicaux ont été faits à la fin de l'épopée, y compris pour dépeindre la mort tragique du héros éponyme... Mais, d'un autre côté, ça n'est pas un classique pour rien. Elia Kazan n'était pas manchot. En l'absence de toute la technique contemporaine, il signe un noir et blanc vraiment classieux, qui tire le meilleur parti d'un décor naturel grandiose, sculpte les personnages de façon irréprochable et donne aux mouvements de troupes ou de foule des accents épiques. Ça n'est pas rien. Et puis l'époque de la Révolution mexicaine se prêtait aux sagas extravagantes, avec des personnages plus grands que nature, de l'idéaliste Madero au très fourbe Huerta. Tout y était démesuré et fou, ça valait bien un film.