Voilà un court métrage qui plaira aux amateurs de la Grande boucle. C’est un documentaire réalisé par Louis malle sur le tour de France 1962, un film quasiment sans paroles, si ce n’est qu’on entend quelques commentateurs, ou des bribes d’entretien de coureurs. On peut saisir à travers ce film la ferveur populaire qui anime la plupart des coins de France traversés par la grande épreuve. Louis Malle insiste notamment sur les bonnes sœurs ou les prêtres qui ne ratent pas une miette du spectacle !
Il ne s’agit pas ici de raconter le tour de France de cette année-là, d’en rapporter les péripéties, les étapes ou le classement, mais de montrer différentes facettes de cet événement. A commencer par la caravane publicitaire, plébiscitée par la foule, et il est amusant ici de voir les étonnants camions butagaz ! Ou le travail des journalistes, des photographes sur moto, les hommes du ravitaillement. Malle nous montre aussi ce qu’est le quotidien d’un coureur cycliste : les arrêts pipi, les chutes, les arrêts dans des bistrots pour se ravitailler ou aux fontaines pour remplir les gourdes, c’était une autre époque !
Si l’on voit la vitesse des coureurs, ici, pas de prises de vues aériennes, peu de paysages, mais avant tout des visages. Ceux de ces héros qui continuent malgré les chutes, malgré la souffrance, malgré les risques pour la santé. Le camion balai pour ceux qui ne peuvent pas faire autrement qu’abandonner, la détresse dans les yeux. Et il y a ceux qui continuent, le visage ensanglanté, pour certains jusqu’à l’épuisement. La sueur qui dégouline, les visages creusés, les corps marqués par un effort surhumain, ou en tout cas inenvisageable pour le commun des mortels qui applaudit ces forçats, ces hommes admirables qu’on soutient comme on peut, et notamment les plus en difficulté, que l’on arrose, que l’on pousse en montée, malgré les injonctions policières à ne pas « fausser la course »…
On peut trouver ça très con, ne pas apprécier les excès publicitaires, savoir que les cyclistes sont et étaient chargés démesurément, il n’empêche que ce qui fait la popularité de cette épreuve, c’est le courage de ces hommes, et ça, Malle le montre admirablement bien, ce don de soi, ces efforts souvent gratuits, cette beauté du geste visible dans la souffrance de corps profondément meurtris. Un dépassement de soi qui suscite légitimement l’admiration de la foule.