Il n'aura fallu que quelques minutes pour prendre conscience de l'étendue de ma méconnaissance de l'histoire indienne contemporaine. "Vivek", ou sous son titre anglophone "Reason", est un documentaire au très long cours (3h30) abordant le thème des injustices de classes en Inde sous l'angle des castes et des fondamentalismes divers (religieux pour la plupart, mais aussi purement nationalistes). Il apparaît très clairement qu'il (me) manque un background conséquent pour d'une part placer toutes les informations dans un contexte même minimal, et d'autre part pouvoir apprécier la qualité des analyses fournies par Anand Patwardhan dans ce qui s'apparente à un pamphlet militant et politique dont je peine à saisir les contours.
La sensation globale, c'est que la notion d'inégalité de la société indienne semble avoir une portée, une violence, et une constitution qui n'ont absolument rien à voir avec ce que l'on peut connaître dans nos référentiels. On sait qu'il existe une population dalit condamnée dès la naissance à une vie de marginalisation (avec une violation patente des droits de l'homme), on sait que des heurts particulièrement violents surviennent entre fanatiques religieux d'obédiences différentes, mais ce n'est vraisemblablement que la toute petite partie émergée de l'iceberg.
"Vivek" passe un temps conséquent à présenter les mouvements auxquels appartenaient Narendra Achyut Dabholkar et Govind Pansare, deux activistes politiques et sociaux assassinés dans les années 2010 dont la mort a quand même déclenché des ordonnances appelées "anti-superstition et magie noire", ainsi que la branche brahmanique de la religion hindoue (probablement l'une des castes les plus opposées des intouchables, garante de l'hindouisme orthodoxe). Dans le même temps une quantité pléthorique de détails abondent durant ces longues heures, rendant le visionnage un peu éprouvant : des rituels consistant à immerger des statues religieuses en plastique dans l'eau fangeuse d'une rivière, des publicités invitant à détecter la présence d'un caractère surnaturel chez les enfants, et un tas de faits divers sordides associés à des expéditions punitives mortelles.
Sur son versant politique, le documentaire montre énormément de faiblesses et de limitations dans la structuration de la pensée, mais on peut malgré tout se concentrer sur la part sombre consacrée à la haine du rationalisme en marge de la complexité survolée.