Quel meilleur titre pour un tel film. "Vivre!", c'est en effet l'histoire d'une vie, celle de Fugui et de sa femme (c'est aussi l'histoire d'une malle, celle qui contient les marionnettes d'ombres chinoises).
Fugui passe par toutes les étapes de la "vie", de jeune parieur qui perd sa maison en jouant aux dés, il reprendra ensuite le métier de son créancier en devenant chanteur et musicien dans un spectacle d'ombres chinoises, il connaîtra la guerre civile chinoise, le "Grand Bond en avant" de la politique économique de Mao et les révolutions sociales et culturelles de la Chine. De père il finira par devenir grand-père. De "jeune idiot" il sera devenu mari fidèle, grand-père attachant et homme accompli.
Mais c'est aussi, ironiquement et de façon absurde, avant tout un film sur la mort (mais quel mauvais titre aurait été "Mourir !"). Mort du père devant la bêtise filiale, mort de l'ami qui nous sauve à la guerre, mort de la mère qui languissait de notre retour, mort du vieil ennemi qui nous a offert une possibilité de rémission, mort du fils tué accidentellement par son meilleur ami, mort de la fille à cause -entre autres- d'un médecin trop grassement nourri. Mais n'est-ce pas cela finalement, "Vivre!" (certains diront plutôt "survivre") ? Être encore là alors que tout autour de nous s'écroule, et pourtant, continuer à avancer avec la légèreté de ceux qui savent que la vie finira bien par leur sourire un jour ; et c'est sur cette note positive que se termine le film, devant un simple repas en famille en guise de générique apothéotique.
Le film s'obstinera ainsi a toujours prendre le parti de la légèreté (à moins qu'il n'ait aussi eu trop peur de subir la censure ?) : bien que des millions de personnes soient mortes pour produire de l'acier plutôt que de la nourriture durant le "Grand Bond en avant", ici les protagonistes se nourrissent allègrement dans les cantines du parti alors que le fils peut se permettre de gâcher de la nourriture pour satisfaire son désir de vengeance dans une scène très drôle et très bien amenée ; l'ami "assassin" du fils fini par trouver sa rédemption en faisant lui-même l'expérience de la mort d'un être cher ; le chef du village toujours généreux reste positif même lorsqu'on l'accuse de s'enrichir ; on continue à avancer malgré la mort de ses enfants, et on en rit presque avec son petit-fils lorsqu'il nous pose des questions devant la tombe de sa mère - et j'en oublie probablement encore beaucoup d'autres.
Un film qui parvient enfin, et c'est un exercice difficile, à mêler avec brio épopée familiale et critique des dérives du communisme en Chine.
Je recommande chaudement.