Pour Akira Kurosawa, "Vivre" était le préféré de ses films. Ce film marque son retour au studios Toho après 5 films pour d'autres studios. C'est aussi un des rares films de Kurosawa sans Toshiro Mifune. Curieusement, alors que le réalisateur n'a pas encore tourné ses plus célèbres chef-d'oeuvres, sa carrière est dans une impasse au Japon, où "L'idiot" son film précédent a été un énorme échec commercial. C'est l'occident qui découvre à peine son travail, qui va réanimer sa carrière en lui décernant un Lion D'or et un Oscar pour "Rashomon" tourné en 1950.
"Vivre" est un film profondément humaniste dans la ligné de ceux de Renoir, dont le message est résumé par les paroles de la chanson du film "La vie est courte, profite s'en". Un message aux relents propagandistes qu'il faut remettre dans son contexte historique. Début des années 50, le Japon est en pleine reconstruction d'après-guerre sous perfusion américaine. L'administration bureaucratique poussiéreuse du film symbolise le passé du Japon dont il faut faire table raz et donner un nouveau sens à sa vie en dynamisant le pays. Le parcourt de son personnage est l'antithèse du schéma Scorsesien de la déchéance après la gloire. Ici, on parlerai plutôt de renaissance après le désespoir (à mettre en perspective avec la défaite du Japon). Ce qui est assez similaire aux films de Frank Capra (que Kurosawa admiré beaucoup) sur la crise de 1929. Le symbolisme se cache ainsi dans presque chaque plan au cadrages élaborés, comme ce croisement de tramways lorsqu'il quitte l'écrivain pour suivre l'ex employée de son bureau, ou ce "joyeux anniversaire" chanté par les convives d'une table voisine, marquant le début de sa reprise en main. Mais son dernier chapitre avec la veillée japonaise diffère profondément du cinéma américain. Kurosawa nous prive du happy end attendu en imposant au spectateur une ellipse de 5 mois faisant que la fin du film se raconte au passé avec nostalgie. Cependant l'épilogue finale, réaliste contrecarre une vision trop utopiste de la morale du film. Un vraie leçon de cinéma.

Jean-FrancoisS
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le 8 août 2018

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Jean-FrancoisS

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