Premier Shindō mineur vu, le plus tardif également. Comme s'il avait tourné le dos à l'emphase graphique si singulière, si constitutive de son œuvre (sur la base de trois films vus, donc c'est un propos à modérer ultérieurement), pour se concentrer à une peinture urbaine très différente, plus dans la lignée du Yoshishige Yoshida des années 60. En résumé, il n'y a ni la beauté muette de "L'Île nue", ni la beauté à couper le souffle de "Onibaba, les tueuses", ni la beauté du conte de "The Black Cat", mais plus prosaïquement l'histoire inspirée de la vie de Norio Nagayama, un tueur en série qui sévit à la fin des années 60.


Là où la structure relativement simple du récit en faisait quelque part la force dans ses films précédents, Shindō s'intéresse ici au parcours mouvementé d'un étudiant en difficulté et au passé familial très lourd. Le cadre historique est assez fort, ancré dans la politique du "shudan shushoku", un programme politique d'après-guerre qui visait à faire venir les étudiants fraîchement diplômés des campagnes en ville, là où avait lieu un grand boom économique et où beaucoup de main d'œuvre était demandée. "Vivre aujourd'hui, mourir demain" AKA "Nudité de mes 19 ans" a la main un peu lourde pour établir un lien entre les agissements meurtriers de ce jeune-là et son passé, à grands renforts de flashbacks explicatifs qui détaillent comment sa mère a subi le désœuvrement et l'addiction au jeu autant qu'à l'alcool de son mari et comment sa sœur a subi des violences sexuelles répétées devant ses yeux de très jeune enfant.


L'histoire est vraie : c'est celle d'un jeune étudiant plein d'espoir envoyé à Tokyo par le gouvernement, dont la folie naissante sera déclenchée par une arme trouvée dans une caserne américaine. Shindō appuie à ce titre sur la composante pseudo-documentaire, en soulignant le contexte en lien avec des manifestations contre l'accord passé avec les États-Unis (images d'archives) et en insistant sur les effets délétères des journaux à sensation de l'époque. Avec pour seul moment de joie dans cette nuit noire le rayon de soleil offert par la victoire d'un prestigieux marathon au lycée : de là le thème récurrent de la fuite, vaine et tragique.

Créée

le 15 juin 2020

Critique lue 207 fois

1 j'aime

Morrinson

Écrit par

Critique lue 207 fois

1

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

144 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

140 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

125 j'aime

11