Deuxième long d'Alain Guiraudie après Pas de repos pour les braves, Voici venu le temps s'ajoute à une œuvre picaresque remplie de vieux homos éloignés des centre-villes. Ceux du jour déambulent dans les montagnes, fréquentent des perchés divers, une poignée de femmes lubriques et hystériques. Le personnage central (Fogo Lompla, par Eric Bougnon) est un vagabond et un bandit monnayant sa kleptomanie. Autour de lui le principal motif de gesticulation est l'enlèvement de la fille d'un riche propriétaire, semant le trouble dans toutes les factions se répartissant aux environs. Les robins des bois (criminels plus conséquents), les ravisseurs, les asociaux tranquilles et marquis péquenauds s'affolent.
Le phrasé se fait théâtral à l'occasion, les laïus mystifiants et le logicisme gâteux abondent (ça ronronne à propos de l'utilité des guerriers et paysans). Ce programme random, à l'humour lunaire, a des airs de Kaamelott (série lancée début 2005) pédant et déluré, où on oublierait de décoller. Guiraudie (L'Inconnu du Lac, Les héros sont immortels) est moins raconteur d'histoire que chef-d'orchestre laxiste d'une galerie de mécontents burlesques et ubuesques patauds. Des méchants qui tuent, un héros qui se débrouille, ses relations qui se baladent bloquées dans leur vie (de bourgeois, d'homme des bois ou de paumé). Tout ce petit-monde s'adonne à une bestialité molle et policée, vit sur acquis partagés.
La gaucherie est un principe et s'applique dans les vues d'auteur, dans les événements, dans la façon d'être et de réagir aux choses graves pour les protagonistes. Le radicalement pittoresque règne sans partage, au service d'un syndicat de bergers revendicatifs et d'une virilité gamine en mode 'panier percé'. On pourra louer, à raison, l'originalité et la 'proposition' [en terme de forme et de manières]. Accorder du crédit à l'utopie visée est moins évident : il y a plus solide et attractif en matière d'anarchisme bucolique. Plus sensualiste et décomplexé, ce sera en revanche difficile à trouver. Doivent faire leur valise pour cette terre d'accueil : les [autres] midinettes de 30 à 77 ans maniant le logos pour le plaisir de dire n'importe quoi, les saltimbanques hédonistes épanouis dans leurs rôles et leurs errances, avides de querelles molles et pas effrayées par les morts subites.
https://zogarok.wordpress.com/2016/05/31/voici-venu-le-temps/