Alléchante métaphore d'une société en vouloir de liberté
"Vol au-dessus d'un nid de coucou" n'est pas un film qui appelle à réfléchir, qui fait cogiter, qui perturbe ; c'est avant tout une bonne grosse mandale collée droit dans la gueule de l'ignorant moyen, puisqu'à travers le simple paysage de la folie & de l'univers carcéral psychiatrique, Forman réussit brillamment à critiquer directement le fonctionnement sociétal moyen & le malaise ressenti par la population.
Sans chercher à entrer dans des détails cinématographiques sans importance, puisque l'oeuvre de Forman n'est pas vraiment centrée sur l'originalité technique, on retient toutefois la prodigieuse interprétation de Jack Nicholson (qui trouvera d'ailleurs son plus grand salut peu après dans "Shining") ; l'acteur ne pouvait être mieux choisi pour endosser le rôle de l'illuminé.
Car c'est bien de ce rôle qu'on l'a chargé : faire l'illuminé, celui qui voit & ose exprimer ce qu'il voit. Les autres fous du film : des volontaires. Ceux qui voient mais préfèrent être enfermés pour ne pas avoir à exprimer ce qu'ils ont vu. Voilà comment fonctionne le monde. Je suppose qu'il est inutile de rappeler l'efficacité de l'expérience de Milgram, en tout cas le film retranscrit parfaitement l'esprit de celle-ci : ce besoin constant des hommes (accru d'autant plus que la population est grande) d'être dominés, d'avoir leurs pensées guidées vers une canalisation unique (représentée par le gouvernement, le parti politique, le "chef", dans le film interprétée par Mlle Ratched). Mac ne veut pas de ce profit circonvenu, & y verra procédure dictatoriale qui voudra, mais il est puni pour ses actes de rébellion à chaque fois, & ce sans merci ni considération.
Petite référence à l'allégorie de la caverne platonicienne, "Vol au-dessus d'un nid de coucou" entreprend avec simplicité la démonstration selon laquelle la conviction prime sur le pouvoir : qui veut peut s'il s'en donne les moyens (la propagande ? la manipulation ? ou tout simplement le savoir sociologique nécessaire à la domination de masse).
De nos jours, nous ne savons même plus nous gérer individuellement, si bien que nous sommes obligés de recourir à des organisations collectives pour survivre (sans pour autant essayer de voir si le retour à l'individualisme engendrerait le bénéfice personnel) & nous remettons sans réfléchir aux bras de dominants peu regardants à l'échelle de nos âmes. Ils pensent "chair à canon", "masse", "profit collectif", "contrôle des corps = domination des âmes", etc. & nous visons toujours bêtement à côté lorsqu'il s'agit de connaître les véritables causes de notre malaise général.. jusqu'à ce qu'accident survienne.
Forman tape un grand coup ici-bas & balaye aisément les récurrences du thème qu'est la démence au sein du cinéma de divertissement. Car "Vol au-dessus d'un nid de coucou" est divertissant, il amène à réfléchir à nos conditions en provoquant dans l'immédiat nos émotions les plus sincères (éclat de rire, tragique suscitant la larme, compassion, etc.).
Il va sans dire qu'il s'agit d'une oeuvre dont la qualité est ineffable. Un pari insensé qui a su se donner des ailes pour atterrir en douceur au coeur des films aux effluves cultes.
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