Tristes Cires
Il y a malheureusement un problème irréductible avec les expériences : elle sont toujours intéressantes, mais parfois elles ratent. J'ai bien peur que ce ne soit le cas du dernier opus, crépusculaire...
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le 18 mars 2012
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- Lambert Wilson ?
- Oui, c'est moi
- Je viens vous annoncer une sombre nouvelle : votre ami, M. Antoine d'Anthac est mort.
Par dix fois la même voix courtoise et lisse diffuse le même message, la caméra scrutant les visages en gros plan, saisissant le tressaillement d'une paupière ou le rictus d'une bouche.
De Pierre Arditi à Sabine Azéma, d'Anne Consigny à Michel Piccoli, de Anny Duperey à Michel Vuillermoz, de Mathieu Amalric à Hippolyte Girardot, tous apprennent la nouvelle, rivés à leur portable, oeil humide, voix neutre ou altérée par l'émotion, ils sont tous priés de se rendre dans la mystérieuse demeure de ce "cher Antoine" sorte de nid d'aigle au milieu de nulle part.
Un générique qui d'emblée nous interpelle et que n'aurait pas renié quelques décennies auparavant, Sacha Guitry, le portable en moins.
On décèlerait presque aussi dans la scène d'intro un petit côté sartrien, qui n'est pas sans rappeler Huis-clos : à l'instar du garçon d'hôtel, l'impeccable exécuteur testamentaire bienveillant et policé, introduit les comédiens l'un après l'autre dans une vaste pièce nue que seuls meublent des canapés noirs.
Retrouvailles, embrassades, émotion et comme un mystère diffus qui semble planer sur la réunion programmée par le défunt, censé être l'auteur de cette Eurydice, oeuvre d 'Anouilh, que tous sans exception interprétèrent un jour.
Ils vont avoir à juger de cette même pièce projetée sur grand écran, jouée par de jeunes comédiens d'un théâtre contemporain, confrontés eux aussi aux vertiges de l'amour et de la mort à travers le mythe d'Orphée et d'Eurydice.
Et tel un écho en stéréophonie, parce-qu'ils sont toujours habités par le rôle, chacun de rejouer son personnage en play-back, qui du couple Arditi/Azéma, tragique et théâtral, qui du beau duo Wilson/Consigny, tout en émotion retenue, se répondant l'un l'autre par delà l'écran, conjuguant les variations de l'amour dans le temps au travers de trois générations.
Un film, on l'aura compris, qui permet à ce "jeune homme" de 90 ans de faire preuve une fois encore d'innovation et d'inventivité, d'explorer le large tissu des relations humaines et des sentiments amoureux : doute, jalousie ou colère venant se mêler au bonheur des premiers instants, et surtout de délivrer un vibrant hommage au théâtre et à ses comédiens, conscient qu'un jour ou l'autre il faudra passer le relais.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les Vilains magnifiques : ces "moches" qui crèvent l'écran, Quand le théâtre s'invite au cinéma et Variations à deux
Créée
le 9 oct. 2012
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