"Vox lux" fut selon moi un fascinant objet réflexion sur notre société contemporaine. Le personnage de céleste porte en lui la beauté et l'absurdité humaine inhérente au XXIeme siècle. Brady Corbet réussit le pari audacieux de nous plonger dans les méandres d'une star américaine fictive et propose un portrait clair/obscur autour de la voix/voie de lumière (vérité? célébrité?). Céleste se dévoile donc sous deux temporalités miroirs distinctes: deux renaissances après deux attentats. L'idée est futée, la personnalité de céleste gravite autours d'attentats terroristes dont la gravité touche le monde entier ; Le premier lui donne le statut de martyr universel à la voix pure et lumineuse, le second remet en cause son innocence et son intégrité.

Tout le film réside sur ce principe d'écho entre deux périodes de vie, deux personnages antagonistes dans un même corps transformés par la société de consommation et le star système, endeuillés d'eux-mêmes et profondément traumatisés. Tout les choix de mise en scène convergent vers cette même question existentielle vertigineuse: sommes nous maître de notre propre vie? La société peut-elle nous annihiler au point de nous réduire à l'ombre de la lumière que nous étions? Dans ce chaos abyssale le personnage de céleste subsiste à travers la voix lumineuse de la pop musique, porteuse d'un message d'espoir simplissime: "croyons en moi!".

On peut dire que Brady Corbet ne prend pas de pincettes pour déployer la violence de son personnage dans la seconde partie du film. Et Natalie Portman s'en donne à coeur joie; l'interprétation de ce personnage acariâtre, dénué d'empathie et nombriliste procure une oeuphorie toute particulière. Probablement celle de voir Natalie Portman dans un rôle à contre emploi (déjà amorcé par Black Swan) qui brise le statut de femme parfaite qu'elle a souvent entretenu dans ses rôles précédents. Car le films est bien aussi riche de réflexions sous-jacentes sur le métier d'actrice dans cette double performance incarnée par Natalie Portman et Raffey Cassidy (brillante de sincérité et de lucidité).

La caméra ne lâche jamais le personnage de céleste tout au long du film. Si dans la première partie Raffey Cassidy, se bat physiquement et psychologiquement pour rester droite face aux caméras et affronte la rééducation due l'impacte d'une balle dans sa colonne vertébrale avec autant de brio et qu'elle n'embrasse sa carrière de chanteuse ; Natalie Portman se dérobe littéralement à la caméra en seconde partie. Elle tente maladroitement d'échapper successivement à une bande paparazzi sous ses lunettes de soleil, à une conversation malaisante sur ses responsabilités devant sa fille derrière ses mains manucurées , à un grotesque entretien promotionnel débouchant sur des accusations criminelles... Quelques heures avant son concert, elle n'est même plus en état de tenir debout après une mémorable biture avec Jude Law (excellent en pathétique dénicheur de star hyper intrusif et foutraque) en version accélérée.

Les choix de photographie et les ambiances lumineuses sont aussi très radicaux. Là où la première partie amorce le film sous une subtile lumière crépusculaire parfois onirique annonçant l'aube d'un rêve américain en formation, la seconde partie paraît sous une lumière bien plus crue et pesante... Brady utilise la lumière pour mettre à nu le désenchantement et la décadence.

Car le propos reste noir, rien n'est revendiqué et il n'y a pas de véritable message important à véhiculer au sein du film. Ni du côté de céleste, ni du côté des terroristes. Il y a juste une force cahotique qui détruit comme elle construit, rien de plus. De cet orchestre nihiliste, personne ne sort indemne. Voilà le propos de Brady Corbet.

La musique de SIA, sainte mère de tubes entêtants et mélancoliques résonne à merveille dans cet opéra vertigineux. Elle permet a Brady de livrer un "live show" étincelant en trompe l'oeil du star système en guise d'épilogue. L'occasion pour Natalie Portman de briller en reine de la pop et danser en corps face aux caméras pour mieux nous faire oublier la noirceur de l'univers.

HugoBellahecene
9
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le 19 mars 2024

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