Si le Cinéma offre plusieurs possibilités pour rêver, notamment avec les comédies romantiques, Two for the Road fait partie de celles qui nous ramènent vers une certaine réalité, qui n'est pas sans difficultés et tristesse.
En cinq temps, Stanley Donen revient sur ce qu'est le couple à travers diverses étapes de la vie, et toujours sur le même chemin. Il signe une oeuvre à la fois dure, nostalgique et belle, le couple passe par plusieurs états et nous aussi, il pose sa caméra sur eux et offre un regard extérieur où l'on découvre ce qu'il se cache derrière ce couple. Sur une somptueuse bande originale d'Henry Mancini, il met en scène les illusions qui vont peu à peu se mettre en place et le monde utopique de façade qui se construit pour eux, alors que la réalité est tout autre.
Ce qu'il met en scène pourrait aussi s'apparenter à un drame bourgeois, un couple qui grimpe socialement autant qu'il ne chute amoureusement, où l'image renvoyée prend plus en plus d'importance. Donen montre d'abord deux jeunes gens dans une bulle, capables de se contenter de peu et guère soucieux de la façon dont ils sont habillés et vus, avant que le luxe et le cynisme ne prennent le dessus, à l'image des tenues d'Audrey Hepburn plus on avance dans le film. Le bonheur s'éloigne au fur et à mesure que le couple s'embourgeoise.
Stanley Donen ne se contente pas de cet aspect-là, ce qu'il va aussi rechercher, c'est l'émotion, l'attachement que l'on a pour le jeune couple contraste avec les interrogations que l'on a sur le même après dix années de mariage. On ressent le temps qui passe et les cassures provoquées, quand l'humour naïf et heureux laisse place à un cynisme méchant, et même une haine que l'on peut ressentir aux détours de quelques propos. C'est la force de Two for the Road, les dialogues sont finement et talentueusement écrits, délicieux lorsqu'il le faut, drôles si besoin et acerbes à d'autres moments.
L'oeuvre est dépaysante et finalement attachante, et surtout elle véhicule tout un panel d'émotion, autour des sentiments et tout simplement de la vie et de ses aléas, les écarts de conduites sont durs et les instants où le bonheur semble vrai sont sublimes. Donen se montre à l'aise derrière la caméra, usant de procédés astucieux, à l'image des transitions lorsque l'on change d'époque, tout en laissant au film une fluidité. Sa direction d'acteurs est aussi remarquable, Audrey Hepburn et Albert Finney véhiculant autant de mélancolie que de bonheur, et jouant merveilleusement un couple qui doit faire face aux choses de la vie et leurs propres démons.
Drame bourgeois et mélancolie amoureuse, Two for the Road permet à Stanley Donen de mettre en scène un couple face à ses démons, la réalité, le temps qui passe et un amour qui ne paraît être parfois qu'une illusion perdue, et, avec autant d'émotion que d'humour ou de vrai, il signe une oeuvre aussi forte que pertinente.