"Une chanteuse japonaise se rend à Hawaï pour une tournée. Le hasard fait que son père biologique y vit également. Hors tous deux ne se sont jamais connus et croient que l'autre est décédé(e) depuis des années. Le destin va les rapprocher. "
Dit comme ça, ça pourrait être une petite comédie gentille, un peu du Ozu ou du Naruse tendre et cocasse. Sauf que le passé de burlesque du cinéaste tire le film vers le slapstick... avec quelques décennies de retard !
Tout est y pourtant : le cabotinage (mais pas drôle), les grimaces (mais pas drôles), les seconds rôles maladroits (mais pas drôles) et surtout l'humour absurde (mais pas drôle). Par exemple une tête à claque moustachue et binoclarde est dans un avion en vol et se lève pour aller aux toilettes mais se trompe, ouvre la porte de l'avion et tombe. Ses amis se précipitent : ils relèvent d'abord un chemise, puis un pantalon et enfin le malheureux en caleçon. Le tout bien-sûr agrémenté des gesticulations de ses comédiens bien-sûr. Ca donne une idée du niveau.
Et encore ce rien en comparaison de la seconde moitié où les héros se rendent sur une île via une carte aux trésor (d'où sort-elle ?) et se retrouve dans une contrée indigène à la population cannibale (habillé comme une parade Disney Land). Je vous laisse deviner la subtilité.
De plus le scénario est remplie de trous, de séquences posées là par hasard sans la moindre cohérence, ni visions d'ensemble, comme si même la réalisation et le montage avaient le même professionnalisme que l'interprétation en roue libre. L'intermède sur le bateau à la dérive est surréaliste à ce titre puisqu'elle contredit ce qu'on voit avant et surtout la séquence suivante. Et je parle même pas de l'excuse qui va réunir le père et la fille (elle sent une odeur de soupe Miso à plusieurs centaines de mètres et se rend vers son origine dans une succession de faux raccords indignes d'un débutant).
En revanche, les chansons (là aussi très "habilement" intégré au récit) sont assez sympathiques et quelques gags sont quand même amusant (les cannibales décrivant leurs captifs selon le plat qu'il deviendront : "Sashimi... Macaroni..." ou une veuve qui habille un des protagonistes de la même manière que son mari décédé).
Par contre, là où le film m'a bluffé c'est dans sa photographie couleur qui est d'une beauté époustouflante, avec des gammes chromatiques vraiment recherchées et des teintes pastels d'une rare finesse. Pas du tout du technicolor pimpant mais vraiment une sophistication délicate. J'imagine qu'il s'agit du premier en couleur du cinéaste et que cela l'a détourné de sa direction d'acteurs. Du moins j'espère pour lui.
"Voyage à Hawaï" est le parfait descriptif de la comédie ratée, du plantage permanent, du nanar involontaire qui foire tous ses effets. Et s'il arrive qu'on sourit à quelques reprises, c'est avant tout sous l'effet de la consternation. C'est même presque fascinant d'être devant un titre à ce point à côté de la plaque et même pour un enfant de 1954, ce type d'humour balourd devait être bien pénible.
Après, je ne regrette pas la découverte car ce genre de films (sans doute grandement populaires à l'époque) est vraiment le type d'œuvres inaccessibles en général, voire même inimaginable pour qui ne connaît que les grands auteurs prestigieux.