A touch of Chine

Yolande Moreau commencerait-elle à en faire trop, dans le registre "Yolande Moreau" ? Plus impassible que jamais, toujours dans le même costume, la même allure, la même démarche, la même (non-)réactivité. On observe l'évolution psychologique de son personnage comme on observerait un animal sauvage rare : avec patience, attention, voire abnégation. La dimension légèrement contemplative de "Voyage en Chine" amène d'ailleurs à se poser certaines questions, et à ressentir un sentiment étrange : on réalise que ce qu'on aime beaucoup chez cette actrice ne tient finalement pas à grand chose.

La première réalisation de Zoltan Mayer est un film de deuil avant tout, doux et mélancolique, sans mouvement brusque. Un parcours initiatique en Chine qui aurait pu l'être autant pour son héroïne que pour certains spectateurs si la découverte de ce nouveau monde avait été décrite de manière plus souple, avec un peu plus de recul. Ceci étant dit, on navigue assez agréablement entre différents milieux chinois situés autour de Shanghai, la ville, la campagne, parmi des inconnus ou les amis du fils mort. Ce n'est pas ici qu'on en apprendra beaucoup sur la culture chinoise en général ou sur le taoïsme en particulier, le rapport à la nature ne sera qu'entraperçu, entre une balade en forêt et un ruban accroché autour d'un bambou. Reste que le film baigne dans une ambiance doucement onirique, agréable et dépaysante, simple et sobre.

"Voyage en Chine" joue ensuite sur une corde plus sentimentale, sur la tristesse qui n'a pas de langue et pas de frontière. Cet axe aurait mérité d'être traité plus amplement, avec plus de soin, plutôt que de se contenter d'une opposition de principe (légèrement stéréotypée) entre le dédale des administrations françaises pour gérer la mort d'un proche à l'étranger, qui semble être extrêmement difficile, et la découverte d'un pays et d'une langue inconnus, qui ne paraît pas être si compliqué quand on se réfère à l'expérience de Yolande Moreau dans ce film, armée de son petit manuel de chinois... Une note finale un peu décevante.

(Avis brut #56)