Voyage sans espoir se situe dans la lignée de ces films au réalisme sombre empreints d’une certaine poésie que l’on retrouve dans plusieurs oeuvres de Christian-Jaque (Sortilèges, L’enfer des anges, Un revenant), le tout mêlé à l’univers du Pierre Mac Orlan de Quai des Brumes : villes portuaires dans le brouillard, bateau à quai que l’on ne voit jamais partir, bars à matelots et rues noyées de pluie. Le film est en noir et blanc mais doté d’un bel éclairage et d’une véritable recherche des jeux d’ombres et de lumière.

L’histoire commence dans un train où un jeune banquier est endormi, une liasse de billets dépassant de sa veste. Un homme, le visage dissimulé, monte dans le train et passe de compartiment en compartiment avant de s’arrêter à celui du jeune homme. En guise d’introduction, les journaux annoncent l’évasion d’un dangereux criminel. L’inconnu qui se présente comme un certain Pierre se lie avec le jeune banquier, Alain, et lui donne rendez-vous pour le retrouver dans une boîte de nuit le soir même avant son embarquement pour l’Argentine.

Nous faisons parallèlement la connaissance d’un capitaine de bateau, Dejanin, ami du criminel et qui a accepté de faire fuir celui-ci sur son cargo. Dejanin agit en fait davantage par amour pour la petite amie de Pierre, Marie-Ange, que par amitié.

Son personnage, devenant complice malgré lui, éveille plus la compassion que l’antipathie. Afin de payer le silence de l’équipage du cargo, les deux compères décident de dévaliser le jeune banquier, grâce à Marie-Ange, chanteuse dans la boîte de nuits où Pierre a donné rendez-vous à sa future victime. Mais Cupidon étant passé par là , Marie-Ange est émue par les déclarations d’amour pleines d’enthousiastes du jeune homme qui l’a rencontrée à sa sortie de la gare, au début de l’histoire.

A 30 ans, Jean Marais en fait 10 ans de moins et nous gratifie d’un éblouissant sourire d’un bout à l’autre du film. Son personnage naïf, pour ne pas dire plutôt un peu bête, tranche avec le caractère sombre et tourmenté des deux protagonistes qui sont les méchants de l’histoire, le criminel en fuite et le capitaine du cargo.

L’histoire est d’ailleurs davantage centrée sur eux, mettant de côté pendant une bonne partie du film le personnage d’Alain.

Dans ces rôles, on retrouve deux seconds rôles de qualité, Lucien Coëdel ( Roger-la-honte, Sortilèges, Les mystères de Paris ) et surtout Paul Bernard (« encore » Roger-la-honte, Le bossu, « et encore » Les mystères de Paris) qui domine très largement le film par son interprétation tourmentée du criminel en fuite, Pierre. Egalement acteur de théâtre, Paul Bernard a une belle présence et une diction parfaite.

Film caractéristique de son époque, tourné en grande partie en studio avec des acteurs au jeu parfois un peu théâtral qui peut sembler daté, Voyage sans retour est une belle découverte à faire si l’on s’intéresse au cinéma français des années de guerre. Reste à savoir si l’on préfère le phrasé des acteurs de cette époque ou la diction souvent murmurante du cinéma français d’aujourd’hui….à vous de juger.

m-claudine1
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le 25 juil. 2022

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m-claudine1

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