Réalisme poétique
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Christian-Jaque : c'est un réalisateur dont j'ai vu beaucoup de films, de plusieurs genres, de plusieurs styles. J'ai toujours trouvé, peut-être à tort, qu'il faisait partie de ces cinéastes capables de tout tourner pourvu qu'on lui donne le scénario et les acteurs ad hoc. Il peut passer du registre comique au registre le plus noir puis faire du film d'aventures ou historique ou même fantastique. Toujours avec le même brio. C'est aussi le cinéaste qui traverse les époques, les régimes politiques, qui semble toujours parfaitement s'adapter aux producteurs et à leurs contraintes. Sa filmographie s'étale sur une période de cinquante-deux ans. Le pire, si j'ose dire, c'est que ses vieux films sont toujours aussi bien regardables…
"Voyage sans espoir" est un film noir. Enfin, je le classe dans les films réalistes mais noirs. L'époque, 1943, le voulait peut-être. Le réalisme en 1943 ne pouvait guère être que noir. Pas très sûr de mon affirmation d'autant plus qu'on dit que c'est du réalisme poétique. Oui, Simone Renant présentant à Jean Marais son appartement "qui respire sur la mer" et où "elle accompagne les bateaux chaque fois qu'ils quittent le port" est lyrique. Donc au final, c'est un film réaliste, poétique (à la rigueur) mais noir.
Le générique précise qu'il y a la patte de Mac Orlan dans le scénario. Alors là, je dis oui car le cadre et les personnages sont cette fois-ci assez typiques de Mac Orlan : une ville portuaire (l'espoir d'un départ ou la fin du voyage), un quai, de la brume (…^^…), de la pluie, une chaussée glissante, des bateaux, des personnages qui fuient quelque chose, qui arrivent quelque part, des personnages poursuivis par un destin, … Là, oui, je suis en pays de connaissance. Et je me rends compte que dans mon programme de relecture, j'ai omis Mac Orlan. Va falloir que j'y remédie...
"Voyage sans espoir" donc. Trois hommes gravitent autour d'une femme, Marie-Ange. Trois hommes qui n'ont aucune raison de se connaître, ne cessent de se croiser et en fait se connaissent parfaitement.
Le premier, Pierre (Paul Bernard), est l'amant de Marie-Ange. Il est évadé et compte sur Marie-Ange pour lui faciliter sa fuite. C'est le salopard de la bande qui cherche à se sauver par n'importe quel moyen.
Le second, Alain (Jean Marais) rencontre Pierre dans le train est un banquier idéaliste en partance vers l'aventure. C'est le chevalier blanc (enfin presque)(enfin, pas vraiment).
Le troisième, Philippe (Lucien Coëdel), est le capitaine du bateau "Marie-Ange" et est resté toujours amoureux de Marie-Ange. D'ailleurs, "il n'en conserve que les lettres (du nom) de Marie-Ange peintes sur la coque du bateau".
Le personnage de Marie-Ange est interprété par Simone Renant. Bien sûr, on peut dire, dans un premier temps, qu'elle est la femme fatale car tous sont amoureux de cette belle femme. Mais c'est trop court de s'arrêter à cette dénomination dont on pourrait penser qu'elle précipite les hommes vers leur perte. C'est tout le contraire. Elle a eu aimé ou aime chacun des trois hommes et irradie une sorte de bonté pour tenter de conjurer la tragédie qu'elle devine.
Et puis il y a la police qui, évidemment, rôde. Avec l'inspecteur-chef Sorbier interprété par le très facétieux Louis Salou (qu'on retrouvera dans les "enfants du paradis" dans le rôle du Comte).
D'un point de vue mise en scène, le film est tourné en studio mais bénéficie d'une très belle photographie avec des jeux de lumières saisissants. En particulier les portraits de Simone Renant sont très bien réussis (scène finale où le visage passe derrière la grille de l'ombre à la lumière).
Pour conclure, film noir très captivant et très fascinant (je laisse de côté le réalisme poétique que je ne maîtrise pas vraiment) dont on pourrait dire aussi qu'il s'agit d'un "Pépé le Moko" ou d'un "au-delà des grilles" inversés…
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Créée
le 31 août 2022
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