Au vu du nombre suffisant de critiques négatives que Voyageurs a reçues lors de sa sortie, je me préparais à regarder ce film avec un certain scepticisme. Cependant, ce film m'avait donné beaucoup de matière à réflexion, que j'ai voulu exprimer dans une petite critique comme celle-ci.

En raison de la hausse des températures, d'une sécheresse dévastatrice et de la famine, les scientifiques recherchent une nouvelle planète capable d'accueillir la vie humaine et dont la colonisation permettrait à l'espèce humaine de survivre. En 2063, ils la trouvent et y envoient une expédition. Comme le voyage durera 86 ans, les bébés nés par fécondation in vitro, ignorant tout de la vie terrestre, deviendront les grands-parents de ceux qui atteindront la planète. Le thème même de la recherche scientifique d'une nouvelle planète pour la vie humaine n'est pas nouveau (Interstellar, comme un des exemples connus), mais j'ai aimé le fait que le film lui-même ne traite pas de la colonisation d'une nouvelle planète, mais se concentre sur les rapports entre les personnages et leur développement dans un espace clos - à bord d'un vaisseau spatial qui lui-même porte le nom d'Humanitas - ce qui sera toujours un sujet d'actualité dans le domaine du cinéma.

Le film parle des gens tels qu'ils sont. Comme l'ont noté de nombreux critiques, l'intrigue d'un tel film aurait pu être développée dans n'importe quel autre espace, que ce soit sur une île déserte ou dans les profondeurs de l'océan. En plaçant des gens dans un environnement inhabituel, les cinéastes semblent nous rappeler une fois de plus la nature humaine, qui restera toujours immuable. Même après quarante ans, mille ans ou plus.

À bord du vaisseau spatial, les jeunes (on nous les montre déjà des jeunes adultes, pas des bébés.) sont contrôlés par un produit chimique qui supprime le désir sexuel, l'agressivité et d'autres émotions fortes susceptibles de provoquer des troubles à bord. Néanmoins, un homme est un homme, qu'il soit dans l'espace ou sur la planète. Il y a longtemps, Aristote assurait que les hommes, contrairement aux animaux et aux plantes, ont la faculté de penser. Et une pensée inévitable traverse l'esprit de Christopher (Tye Sheridan) et Zac (Fionn Whitehead) à propos de cette boisson bleue : et s'ils arrêtaient de consommer ce produit chimique ? Que va-t-il se passer ? Et ce qui se passe, c'est qu'ils commencent à éprouver de la sympathie et de l'attirance sexuelle pour leur membre de l'équipage, Sela (Lily-Rose Depp), qui n'en est pas encore consciente. L'intrigue du film reprend après l'accident (qui se révélera plus tard être un meurtre prémédité), au cours duquel le chef de bord, le seul adulte de la planètre Terre, Richard Jackson (Colin Farrell), est tué. Christopher devient le nouveau capitaine de l'équipe, ce que Zac désapprouve, plus particulièrement en raison de la jalousie de Sela, qui soutient le nouveau capitaine élu. L'homme est un animal politique, selon Aristote, même à bord du vaisseau, la politique n'est pas absente. Zac, tel un fervent opposant dans une élection présidentielle, attire les gens de son côté avec ses projets brillants : «nous oublierons les règles et ferons ce que nous voulons !». Bien sûr, qui ne peut résister à une offre aussi alléchante ?

Dans l'un des bureaux, Sela et Christopher trouvent des images de la vie sur Terre - un montage de courts clips vidéo montrant des enfants courant sur la plage, soufflant des bougies pour leur anniversaire, des gens voyageant, profitant de la nature, et le dernier plan des archives personnelles de défunt capitaine (Colin Farrell) entouré de sa famille. Ils ne connaissent pas cette vie terrestre, mais sont néanmoins heureux de regarder des images et d'attendre le moment où leurs petits-enfants pourront jouir de la même vie sur une nouvelle planète. Ils sont déterminés à poursuivre leur objectif jusqu'au bout. Christopher et Sela sont l'incarnation de la bonté.

D'autre part, Zac et ses camarades découragent les autres de boire le liquide bleu, ils commencent à se comporter de manière dégoûtante, oubliant les règles élémentaires de comportement, mangeant avec leurs mains, s'asseyant sur les tables, se bagarrant. C'est précisément le cas où la liberté d'action a des conséquences néfastes sur les gens. Ils s'introduisent dans le bureau où sont conservées les archives de la planète Terre et y trouvent des vidéos de guerre, de bombes larguées sur des villes, de gens qui s'entretuent avec des armes à feu, de cruauté de règne animal, de sexe. Ils découvrent le côté sombre de l'humanité terrienne, que Zac, à en juger par sa réaction, veut expérimenter.

Selon Aristote, l'homme a à la fois une «âme de plante», une «âme d'animal» et une «âme de raison» avec une capacité de penser de manière rationnelle, comme dans le cas de Christopher et Sela qui semblent être encore humains. Au contraire, dans le cas de Zac et ses compagnons, l'âme animale construite sur les sentiments dépasse l'âme intellectuelle. Ils copulent partout et toujours, ils se battent et leur cerveau, comme celui des animaux, fonctionne sur la base d'instincts.

Tout le film est un affrontement entre le bien (Christopher) et le mal (Zac). Tout au long du film, le mal semble beaucoup plus fort, il y a de la violence à bord du vaisseau, rendue encore plus terrifiante par les armes que Zac et sa bande, franchement criminelle, mettent la main dessus. Un homme armé est toujours à craindre, surtout là où règnent l'impunité, le chaos, la loi de la jungle quand tout est permis et chacun pour soi. Contrôler une poignée d'hommes armés devient une tâche presque impossible pour Christopher. Avec Sela et Phoebe (Chanté Adams), qui est la seule à leur rester fidèle (les autres, ayant compris que le mal est plus fort que le bien, passent dans le camp de Zac), ils essaient simplement de survivre. Le spectateur assiste à cette guerre sur l'écran, ce qui le tient en haleine jusqu'à la toute fin (ce qui était mon cas), et il se demande comment Christopher va pouvoir arrêter Zac, est-ce que ce sera avec un mot gentil, comme lui et Sela le pensaient ? Non, dans ce cas, ce serait comme un conte de fées naïf avec une fin heureuse. Le mal ne doit pas être arrêté, mais éradiqué. Christopher et Sela font sortir Zac du vaisseau spatial et le poussent dans l'espace. La paix règne donc à nouveau à bord de l'Humanitas.

Certains spectateurs se sont plaints du budget réduit et de l'étroitesse de l'image, alors que pour moi, tout était dans un style minimaliste, juste ce qu'il faut, pour ne pas distraire le spectateur des problèmes qui se déchaînent sur l'écran devant lui. Des problèmes humains qui se posent à notre époque, dans nos pays, sur notre Terre.

Le film comporte un rebondissement - la mort de Richard - et un dénouement - la mort de Zac. Et bien sûr, la fin heureuse où on nous montre que leur mission a été accomplie avec succès, et que la nouvelle planète ressemble beaucoup à la nôtre. Nous ne savons pas s'il y a eu d'autres tentatives de «coup d'Etat», des guerres à bord du vaisseau. On ne nous montre que des gens qui tombent amoureux, qui ont des bébés naturellement, non par le biais de la FIV, comme le voulaient les scientifiques, qui s'amusent, qui travaillent à leur mission, qui vieillissent. On nous montre la vie ordinaire. Et l'on ne peut s'empêcher de se demander si nous pouvons continuer à vivre sur notre planète sans en chercher d'autres pour survivre ?

Sachko
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le 19 août 2024

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