Nov 2009:

Heureux temps où Dieudonné était un artiste plus que prometteur, auteur de spectacles incisifs et fûtés, acteur unique au style presqu'inimitable (Florence Foresti s'échine à reproduire ses tics depuis). Maintenant, le bonhomme sans concession aucune, jusqu'à l'obsession, s'est laissé empapaouté par les délires sectaires et fachoïdes de Soral et déverse sa haine et son aigreur dans les plus vils racismes, faisant preuve d'une cécité incroyable pour un individu jusque là assez clairvoyant, sauf en ce qui concerne l'argent, grand totem de sa vie, semble-t-il. Dieudonné est une histoire triste. Aussi le revoir dans un rôle de cynique avide de pognon a-t-il quelque chose de terriblement ironique, avec ce petit goût d'amertume dans le fond de la gorge. Reste un très bon acteur, qui joue à la perfection son personnage de manipulateur orfèvre, charlatan, escroc.

Au contraire, Serge Hazanavicius est un comédien moyen, sans sel ni charme et qui passe presque inaperçu, dans ce film en tout cas.

Celle qui me bluffe, c'est Béart avec un accent montalbanais qu'elle tient très bien, avec beaucoup de naturel et dans toutes les circonstances émotionnelles. Moi qui suis né à Montauban -on ne devrait jamais quitter Montauban- je serais infoutu de le tenir aussi bien et aussi longtemps qu'elle. Elle parvient à donner une réelle épaisseur à son personnage, qui passe par plusieurs stades, plusieurs états d'âme très saillants -donc très casse gueule pour un acteur- et elle s'en tire plus que bien. De plus, elle se permet d'avoir le culot, l'outrecuidance d'être belle, sans arrêt, naturelle malgré le soin pris à l'enlaidir de bigoudis immondes ou de tenues pétassières extrêmes. Emmanuelle Béart souffre chez les cinéphiles d'un discrédit, d'une image écornée que je m'explique difficilement car elle joue souvent plus que correctement. Ici elle hérite d'un personnage difficile, piégeux, où la limite entre crédibilité et ridicule est particulièrement floue et elle s'en dépatouille avec une certaine classe.

Ce qui est bien dans ce film très bizarre, c'est le grand nombre de seconds rôles, Soualem, Bonneton, Anémone. Ce qui est moins bien c'est qu'ils n'offrent pas de numéros exceptionnels. On a connu Soualem beaucoup plus percutant, plus dynamique. Bonneton est plus drôle ailleurs. La direction d'acteurs semble avoir quelque peu été délaissée.

A moins que ce ne soit le scénario qui pèche un peu sur les trames secondaires? Fort possible. Toujours est-il que l'histoire a priori goûteuse et excitante ne semble pas totalement décoller. Comme avec une certaine retenue. La satire sur la dépendance vis à vis de la voyance est somme toute bien vue mais manque de mordant. Le film avait des atouts mais ne parvient pas à les exploiter à fond. C'est vraiment dommage. Au final, on se retrouve avec un film très moyen, agréable, mais à la médiocrité tranquille.
Alligator
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le 30 mars 2013

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