Nécessaire pour nos pauvres petites consciences !

Il y a eu LA HAINE Il y a eu DIVINES Il y aura VOYOUCRATIE !
Oh...encore un uppercut sur la "bad" banlieue et son jargon limité, ordurier, son mal-être, ses larcins, ses deals, sa violence gratuite source de frustrations, de désespérance, sans oublier ses mafieux à la petite semaine. Et oui, on ne parle pas ici des Lilas ou de Levallois, on cible, évidemment.
Difficile donc, quand on additionne tout cela, d'avoir de l'empathie, à moins d'en être, comme on dit ! Il porte si bien son nom : Voyoucratie !
Le fossé semble trop immense, et le précipice est là, juste à côté. Il n'y a qu'un pas. Aussi quel intérêt d'aller s'y jeter ? A quelles fins ? Faut-il aimer si peu la vie ou kiffer à mort la prison ? Malaise encore.
La résignation, a-t-elle déjà tout ruiné ? Ou n'est-ce pas simplement plus facile de dealer que de se faire chier à pointer au travail ? Et oui, le taf, c'est relou, les gars !!! Déjà il y a blocage sur le langage, on régresse au fil des années et le néandertalien n'est plus très loin, la communication est donc pourrie, tronquée; ça commence mal, et puis il faut pointer à l'heure, respecter ses employés, la hiérarchie, et tout le tintouin...Pourtant, le deal, c'est pareil ! Un job à plein temps, avec une hiérarchie aussi, et un pointage plus tranquille, c'est moins fatiguant, très rentable, mais bon, tu risques la taule, quand-même. C'est pas rien ! Faut en vouloir, dis ! Ou quoi ? La taule, c'est mieux que la galère au quotidien ? Eh bien, certains répondraient par l'affirmative.
Sommes-nous sado-masochistes ? Suicidaires ? Comment interpréter tout cela ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Il faut décoder, et vite, car il y a urgence. Il y a un message là-dessous.
Une urgence, oui.Ou plutôt un cri. Un cri rageur de Fabrice Garçon et Kevin Ossona qui dirait à la face du monde : "On nous a zappé depuis longtemps, mais nous, on doit survivre !" C'est d'ailleurs ainsi que le film de nos deux compères a été shooté. En toute liberté. Sans demander l'autorisation à qui que ce soit. Pas le choix. Pas de budget mais une envie claire. Et c'est là que Voyoucratie puise toute sa force. Dans cette liberté qui touche parfois au documentaire. On pourrait pousser un grand coup de gueule et dire stop ! Assez ! Ras le cul de ces films haineux(...) Ok ! Une alternative, peut-être ?
Y a-t-il quelqu'un pour proposer à tous les égarés une autre " orientation" ? Meuh non...Tout le monde s'en bat les couilles, passez-moi l'expression il fallait je la sorte. Voilà le problème profond. Il était déjà bien explicité dans la Haine, et on ne peut pas dire que cela ait changé, bien au contraire, il y a même un lâcher-prise total. Voilà le malaise ! Tout le monde s'en fout ! Tout le monde est dépassé, tout le monde trafique au bout du compte d'un côté comme de l'autre pour arriver à ses fins, et c'est ainsi que ces banlieues esseulées ; ou plutôt ces petits pays se sont construits de toute pièce au fil des années.
Rentrons plus dans le film ! Jouer ou être, la frontière est infime dans Voyoucratie comme dans ceux que j'ai précédemment cités. L'interprétation est certes moins puissante ici, excepté celle évidemment de Salim Kechiouche qui poursuit son petit bonhomme de chemin avec force et intensité. Voyoucratie touche donc presque au documentaire tant il est bien shooté, magnifique taf des deux compères qui collent parfaitement à leurs personnages et savent se faire discret sans en faire trop, distillant une tension de plus en plus palpable au fil du métrage. Pour du ciné français, c'est bien au-dessus de la moyenne malgré une interprétation parfois en dents de scie. Mais Salim Kechiouche le porte à bout de bras et certains seconds rôles ajoutent du mordant à l'instar de l'inégalable Jo Prestia dont j'adore la bestialité, la chair, j'aimerais tant le voir dans un grand rôle; ainsi qu'Abel Jafri en parrain convainquant.
La caricature était pourtant facile. Mais Salim Kechiouche a plus d'un tour dans sa besace et il lâche habilement son pédigrée au fur et à mesure. Son personnage antipathique, haineux, vicelard, que tu n'imagines pas un seul instant père, que tu as envie de taper tout le temps, son regard puissant et ténébreux, trop parfois qu'il en devient insondable, sa force intérieure, c'est bien grâce à lui que j'ai tenu jusqu'au bout. ( Avec un petit twist plutôt bienvenu.)
Oui, cet univers n'est pas juste un tétris de mots vulgaires, de joints, de coke, de crack, d'alcool, et de règlements de compte à feu et à sang. C'est surtout un monde en proie à un malaise constant, et de plus en plus grandissant, et que l'on persiste à ne pas vouloir voir. Tout le monde s'en fout et c'est justement parce que tout le monde s'en fout que ce monde-là s'est autant développé.
Alors, on se laissera porter ( ou non ) car ici l'abîme ouvre ses bras dès le départ, et on tombe avec l'antihéros car il ne peut y avoir de héros dans cette histoire. Il y a un fatalisme suintant, un désespoir qui transpire tellement que j'en ai les mains moites à en parler.
Nécessaire donc de voir ce film pour aller au-delà des préjugés qui nous pourrissent et nous avilissent. Nécessaire, mais ! Mais il faudrait pour en sortir sonder l'âme humaine et nous manquons cruellement de psys ou simplement d'écoute pour atténuer ces maux tellement profondément ancrés qu'il sera très difficile d'y remédier sans y mettre de grands moyens.
Quand on pense aux moyens mis ailleurs...Il y a maldonne. Et à partir de ce triste constat, on en vient logiquement à comprendre pourquoi Voyoucratie deviendra à son tour indispensable.

UgoLemasson
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le 4 juil. 2018

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