Les années 70 figurent décidément parmi les périodes les plus faibles dans la filmographie de Kaneto Shindō à mes yeux, et même si "Waga michi" n'adopte pas le style désagréable d'autres films de la période comme "L'Anneau métallique" ou "Vivre aujourd'hui, mourir demain" (une sorte de Nouvelle Vague japonaise un peu trop arcboutée sur des effets de style peu engageants), il reste très difficile à encaisser à cause de longueurs vraiment préjudiciables. Sans trop de surprises on retrouve Nobuko Otowa dans le rôle principal, fidèle et future épouse du réalisateur, une femme qui s'est battue pendant des mois contre l'indifférence des autorités afin de retrouver (le corps de) son mari.
Un film inspiré d'une histoire vraie qui aurait pu se révéler bien plus passionnant que ces 2h10 trop épaisses et en manque de coupures. Il y a beaucoup de dignité et de noblesse dans le parcours de cette vieille dame veuve cherchant à obtenir gain de cause contre vents et marées, et "Waga michi" rejoint en un sens les thématiques de la toute première partie de sa carrière, au début des années 50, consacrée au sort tragique réservé par le gouvernement japonais aux travailleurs, aux migrants, et aux classes les moins favorisés. La première partie est réussie, tant que la caméra de Shindō s'évertue à traquer les multiples injustices auxquelles doit faire face la protagoniste et à illustrer son opiniâtreté hors norme. Mais à partir d'un moment, "Waga michi" se transforme en film de prétoire et il devient incroyablement pénible, poussif, et interminable. Un formalisme fastidieux s'impose (l'ensemble n'est pas du tout à la hauteur des réussites de Shindo en termes de mise en scène) et alourdit la dernière partie pour en faire un banal enchaînement de témoignages, avec toujours les mêmes questions, les mêmes plans, et simplement des personnages qui défilent pour esquisser une responsabilité collective dans le sort du mari et de sa dépouille. Shindō s'est sans doute essayé à une tentative d'objectivité et de réalisme social pour éviter de sombrer dans le pathos, mais le résultat est profondément raté.
Il faudra conserver les images de Mino Kawamura dans son échoppe, derrière son bar situé dans un quartier difficile, à cuisiner des pâtes, ainsi que les premières révélations concernant le corps perdu — l'image du cercueil sommaire à l'université est marquante par exemple — pour préserver une image positive du film sur la négligence d'un système tout entier.