J'hésitais, les premières secondes semblaient annoncer un film très cérébral. C'est le cas. Pour l'essentiel, ou du moins une bonne moitié, le film s'apparente à une sorte de documentaire mettant en scène une succession d'interview, plus exactement de monologue ayant chacun pour objet... disons, la mécanique de la vie humaine, si j'ai bonne souvenance. Ce n'est pas la partie la plus intéressante, -sauf peut-être pour le 3° intervenant, une femme blonde-, et cette partie m'a un peu fait râler: "hum, j'aurais aimé être prévenu que ça allait être ça, le "film", bon, voyons la suite". Il y a quand même du solide dans les propos qui sont tenus, c'est sérieux, académique, sourcé ou inspiré, on apprend des choses intéressantes, par exemple que Sartre, père de l'existentialisme, aurait dit ne jamais avoir éprouvé de désespoir, ça ne me surprend pas du tout mais justement ça me rend le film sympathique donc... voyons la suite. Le film bifurque ensuite progressivement sur une discussion ayant cette fois pour objet la distinction entre rêve et réalité, la nature du rêve etc etc etc, bon... En fait le film lâche qqs perles de temps en temps donc j'ai tenu à le suivre, il y a des passages intéressants, des textes intéressants je devrais dire, car il s'agit surtout de ça. Surtout le dernier en fait, que vous retrouverez en fin de cette critique, les aventures psychiques du père K Dick...
J'ai trouvé la rotoscopie franchement dégueulasse, laide et inutile. Je n'ai rien contre le procédé, il est très bien utilisé dans A scanner darkly, mais là c'est juste moche, envahissant, écoeurant, étouffant poil au dent. Je pense que l'abus ici va de pair avec la façon dont le film a été pensé: c'est lourd, maladroit, peut-être un brin prétentieux, bref, ça se cherche.
La puissante mélancolie qu'on retrouvera dans A scanner darkly est déjà là, de même que K Dick.
J'hésitais à le voir, je le reverrais peut-être, pas sûr mais je le garde, et je ne le déconseille pas, il faut juste être prévenu de ce que c'est: une sorte de conférence/happening arty, avec ses bons et ses mauvais côtés. Mais avec un peu de drogue, de la substance mort par exemple, ça doit être mieux.
En fait, ce film me fait penser à la version de Substance Mort par Linklater. Si je ne me trompe pas, à l'origine du bouquin il y a Philip K Dick qui se retrouve seul dans sa baraque, abandonné par sa femme, et qui finit par être progressivement entouré de toxicos qui viennent squatter, lui tenir compagnie, devenir ses potes... et on va d'un personnage excentrique à l'autre etc. Waking Life peut faire penser à ça, avec le perso principal qui serait le Dick de Linklater, allant d'un junkie à l'autre. Bon, là je m'égare.
En tout cas ce film ressemble beaucoup une sorte de passage en revue des obsessions gnostiques de K Dick à travers un choeur fait de sciences humaines et de voix plus libres/moins académiques, ainsi on a un tour d'horizon qui s'efforce d'être complet.
Voici un bien bel extrait:
"En vérité il n'y a qu'un seul instant, et c'est maintenant, et c'est l'éternité, et c'est l'instant où le Seigneur te pose à toi la question, tu sais, la question c'est "est-ce que tu veux ne faire qu'un avec l'éternité?", et la réponse logique c'est: "non, c'est gentil, merci, pas encore" "
"Donc en fait le temps n'est que notre réponse par la négative à l'invitation de Dieu, voilà ce que le temps représente"
"Ca veut dire qu'il n'y a qu'un seul instant universel, et qu'on est toujours dedans, et elle me dit dit que cet te réalité-là c'est la base de la vie de chacun, que quand on voit plus loin que les petites différences il y a une deuxième histoire, et c'est ce drôle de déclic qui va nous amener du non au oui: toute notre vie on va dire "non merci", et le dernier mot sera "oui, j'accepte", il est là le sens du voyage, je veux dire, on finit toujours par dire oui, n'est-ce pas?"