Je n'ai commencé à m'intéresser au cinéma que récemment mais j'ai toujours eu un goût prononcé et un certain respect envers l'animation. Certes, de nombreuses pépites sont encore à découvrir (notamment du côté nippon) mais mon enfance a surtout été marquée par ces dessins animés qui parvenaient avec peu de choses à nous captiver, nous faire rire, nous toucher. Et par peu de choses j'entends peu de paroles, sinon aucune qui soit intelligible. Vous connaissez ces classiques autant que moi, qu'ils viennent de Warner Bros (Bip-Bip et Coyote), Hanna-Barbera (Tom & Jerry) ou Disney (j'ai récemment découvert les courts-métrages sur Dingo qui ont formidablement bien vieilli). Ces dessins animés avaient un sens du timing idéal pour les divers gags visuels et savaient se renouveler avec plus ou moins la même formule.
Après, il y avait aussi ces dessins animés plus complets, plus fouillis sur la forme et le fond. J'ai déjà fait ici l'éloge de la série animée Batman (qui ne le fait pas ? ), riche en action et peu avare en développements humains. Les Disney sont aussi passés par là, le Roi Lion étant celui qui me reste en tête. Aussi, leur goût pour les romances n'est plus à préciser. Et j'ai même eu le temps de tomber sur ce cher Géant de Fer, qui a heureusement gagné en popularité mais mérite cela dit une plus grande reconnaissance pour tirer 100% d'un canevas pourtant convenu.
C'est en grande partie pourquoi j'aime autant Wall-E.
Certes, ses qualités propres sont indéniables. Visuellement le film est une merveille, entre cette terre cauchemardesque sans être oppressante et cet espace qu'il est difficile de ne pas rendre majestueux, sans oublier nos deux héros si attachants et les jeux de regard si importants. D'un point de vue sonore, c'est un orgasme. Les thèmes de Thomas Newman sont magnifiques et complètent le tout et le travail quant au sound design des robots est proprement monstrueux. Tout sonne juste et permet de nous faire ressentir les émotions voulues et de comprendre immédiatement nos personnages. D'ailleurs cette épuration de dialogues nous épargne le débat VF/VO. Encore que : les uns apprécieront d'entendre Sigourney Weaver en ordinateur expliquant le monde, les autres savoureront la composition d'Emmanuel Jacomy en commandant simplet.
Alors oui le design des personnages n'est pas très alléchant. Aussi, le mélange de prise de vues réelles et de personnages en 3D est peu courant et a perturbé certains. Mais tout cela est voulu et permet d'approfondir le propos du film (transition parfaite de la forme au fond, boum). Le premier thème est certes simple et presque cliché : l'écologie. Mais contrairement à beaucoup de films chargeant la mule inutilement au point de rendre l'ensemble grossier et caricatural, ce film, sous le sceau de la science-fiction, offre une vision crédible de notre avenir. Outre le fait que je vois très bien notre Terre devenir une poubelle géante (certes pas au niveau du film mais l'idée est là), Pixar a l'intelligence de ne pas pointer du doigt un responsable malavisé. Toute l'humanité est coupable mais involontairement. Leurs interactions mutuelles et avec Wall-E démontrent leur capital sympathie, le commandant en tête. Et ça fait du bien.
Leur aspect physique sert lui l'autre dénonciation du film, facile mais parfaitement ancrée dans la réalité actuelle. La surconsommation, la technologie omniprésente, le contact humain "IRL".. tous ces points nous concernent, qu'on s'en rende compte ou non. Là encore, qui que l'on soit, nous pouvons tous tomber dans ces dérives. Et voici toute la poésie et le surréalisme de l'histoire : que ce soient deux robots qui aboutissent à la rédécouverte de la richesse humaine. Que deux machines, à la base programmées pour une mission (tels les humains "programmés" dans leur routine) finissent par apprendre ce qu'est l'attachement, ce qu'est l'amour. Les sentiments les plus purs exprimés par les actions. Deux êtres de brics et de brocs que l'on a appris à connaître à travers des scènes à la fois touchantes et hilarantes et que l'on aime de plus en plus au fil du film.
Je retrouve donc ces deux facettes de l'animation parfaitement combinées, d'où une cure de jouvence que peu de longs-métrages parviennent à offrir, même les plus grands. Ce premier tiers presque entièrement muet, constitué d'exposition visuelle, de non-dits, de gags et scènes banals mais bigrement efficaces me renvoient aux cartoons de mon enfance. Il me place dans une bulle que je ne quitte plus, même lorsque le film prend une autre direction que d'aucuns ont regretté (ce que je peux comprendre). Même quand il aborde les questionnements déjà évoqués, il conserve cette pureté, cette poésie, représentée à la perfection par la scène de danse dans l'espace, une de mes scènes préférées au cinéma, ni plus ni moins.
J'aime ce film pour ce qu'il est, pour ce qu'il me rappelle et parce qu'il nous aime. Je ne peux donc que lui renvoyer cet amour, tel Eve remerciant son Wall-E pour faire preuve d'autant d'humanité... de la part d'un compacteur de déchets.