Wall Street: Money never sleeps me fait penser à ces après-midi passés au nettoyage d'un appart ou aux révisions de concours. On démarre enthousiastes, sur les chapeaux de roue, et puis, au fur et à mesure que le temps passe, ça se ramollit de plus en plus jusqu'à ressembler au reste de l'année où, franchement, on n'a pas foutu grand-chose.
Je m'explique.
Le titre ainsi que la période du tournage pourraient laisser penser que le film se veut à la fois une suite logique au Wall Street de 1987 et un bilan cinglant du système financier qui a mené à la catastrophe de 2008. Au premier abord, ce sentiment semble confirmé par la conférence magistrale d'humour et de cynisme offerte par Michael Douglas, alias Gordon Gekko. La dénonciation s'effectue à travers l'explication, succinte, de la crise des subprimes, révélatrice d'un système dont plus aucun acteur ne sait vraiment comment il fonctionne, mais que tous font semblant de maîtriser. L'appétit du gain semble être la seule et unique motivation de l'ensemble des protagonistes et les efforts des "alternatistes", en la personne de la petite amie du jeune héros, semblent bien dérisoires.
Malgré cela, la critique acerbe que l'on attendait (espérait ?) s'essouffle assez rapidement pour une raison finalement assez simple: le réalisateur s'attarde une grande partie du film sur ses personnages, leurs péripéties, leurs affaires de coeur, de famille, jusqu'à un happy end gnangnan au possible, assez surprenant compte tenu de l'environnement du film.
Au final, on a l'impression qu'Oliver Stone hésite entre une plongée dans les coulisses (pas reluisantes !) de l’échafaudage financier, et une simple histoire de famille ayant pour toile de fond la crise de Wall Street. Cela donne finalement un film assez mou dans sa façon d'attaquer la crise du système financier, car ce qui semble être le fond du propos est constamment pollué par les problèmes de couple, et plus généralement de famille, des personnages principaux. On en vient à ne plus rien comprendre de leurs motivations profondes, celles de Jacob Moore (idéaliste ou réaliste ? Lui-même n'a pas l'air de le savoir) et surtout de Gekko: tient-il à retrouver une vie de famille ou n'est-il au final qu'un sombre manipulateur uniquement attiré par le pouvoir et l'argent ?
Ce qui faisait la grande force de Margin Call, la dépersonnalisation à l'extrême des acteurs humains de la tragédie, comme un symbole du système tout entier, n'existe pas ici, et enlève à mon sens pratiquement toute force pamphlétaire au film. Le discours, je le répète, magistral, de Gekko au début du film ("Vous êtes vraiment dans la merde") me semble nettement insuffisant pour pallier cette inconsistance du propos. Cela irait encore si le film nous tenait un tant soit peu en haleine, mais là on s'achemine tranquillement vers une fin heureuse et franchement pas crédible, là où Margin Call ne baisse pas de rythme une minute et nous laisse un goût amer en travers de la gorge à la sortie.
Malgré ces réserves, les acteurs, excellents, sauvent le film, Douglas impérial en cynique manipulateur, LaBeouf très crédible en jeune loup idéalo-réaliste, et Carey Mulligan, tout en finesse et en profondeur, qui s'impose clairement dans ma tête comme l'une des actrices les plus jolies du moment.
Bref, si vous recherchez un bon divertissement avec juste ce qu'il faut de critique du système financier pour vous dire "y a vraiment des salauds, mais finalement la vie continue", Wall Street est pour vous.
En revanche, si vous cherchez un film qui vous montre véritablement les ressorts de la crise actuelle et vous fasse véritablement frissonner devant l'ampleur de la chute qui nous attend et le cynisme inimaginable qui règne chez ces gens là, regardez plutôt Margin Call.