War Machine
5.5
War Machine

Film de David Michôd (2017)

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Brad Pitt semble, depuis ces dernières années, avoir fait de la guerre son tout nouveau terrain de jeu. Et pour cause, après avoir été aux commandes d’un tank dans Fury (2014) et agent britannique dans Alliés (2016), le voici promu général de l’armée Américaine de War Machine. Et ce sous les ordres du réalisateur australien David Michôd (Animal Kingdom, The Rover), qui s’attaque avec cette exclusivité Netflix à un livre (et, pour le coup, une histoire vraie) pour le moins critique. Avec un cinéaste indépendant à la barre, une immense star hollywoodienne en tête d’affiche et un statut de « première production ambitieuse » (soit 60 millions de dollars de budget) pour la plate-forme de streaming Netflix, autant dire que War Machine était attendu au tournant. Et même si l’on attend encore de voir ce que peuvent donner Death Note et Bright, prévus dans les mois à venir. Malheureusement – disons-le d’entrée de jeu –, ce n’est pas avec ce long-métrage que la compagnie télévisuelle marquera les esprits…


Avant toute chose, il est important de savoir à quoi vous attendre quand vous vous lancez dans le visionnage de War Machine. Il s’agit d’un film de guerre, certes. Mais pas du genre à vous proposer des séquences de batailles à la Soldat Ryan ou bien l’envers du décor façon Zero Dark Thirty. Ici, le réalisateur et scénariste David Michôd a pris le parti fort osé d’adapter un fait réel sous la forme d’une farce, d’une satire (c’est pour cela que le film se range dans la catégorie des comédies). Et assumant pleinement son choix, le cinéaste n’y va pas avec le dos de la cuillère en demandant à Brad Pitt de cabotiner à l’extrême (mâchoire carrée, voix forcée, gestuelle robotique…). En livrant des personnages pour le moins ridicules, parodies prolétaires de Rambo, sans jamais en avoir honte. En proposant une armée américaine si stupide qu’elle s’enlise toute seule dans la mouise. En nous offrant un film qui utilise une narration décomplexée et quelques musiques entraînantes pour souligner le grotesque de certaines séquences. Et tout cela dans le but de critiquer, que ce soit l’éternel patriotisme des soldats ou bien la responsabilité des officiers. De creuser le fossé abyssal existant entre les chefs au sommet et les agents de terrain, qui ne voient pas les conséquences de leurs actions militaires du même œil. Vous l’aurez compris, War Machine se veut être une œuvre non vide de sens, ayant un fond. Mais pour une fois, c’est la forme qui a été négligée et qui s’avère être le point faible de ce long-métrage.


Choisir le chemin de la farce est vraiment culotté pour un film de guerre, il faut bien l’avouer. Encore faut-il pouvoir maîtriser cela. Or, bien qu’il ait déjà démontré par le passé être un bon réalisateur, David Michôd échoue dans son parti pris. En effet, à trop vouloir jouer la carte de la satire basée sur quelque chose de réel, il livre un film bien trop bancal pour maintenir la tension du spectateur. Entre un Brad Pitt qui surjoue à mort, des répliques idiotes et des situations assurément burlesques (le coup du Président afghan faisant croire qu’il prie alors qu’il tente d’installer son lecteur Blu-ray, par exemple) placés dans un univers qui se veut réaliste, autant dire que le décalage est si énorme que pratiquement rien ne fonctionne. Quelques passages et réparties feront sourire. Voir Brad Pitt en faire des tonnes de manière assumée a de quoi réjouir. Mais en portant certains aspects de son film à l’extrême et pas d’autres, David Michôd rend son long-métrage presque difficile à suivre, constamment au bord de l’ennui. Qui ne ressemble à pas grand-chose, allant même jusqu’à faire perdre de la puissance à la critique qu’il veut pourtant mettre sur un piédestal.


Et comme si cela ne suffisait pas, War Machine se permet de proposer des séquences plus dramatiques, histoire d’apporter un semblant d’importance à ce que le film veut nous dire. Mais, encore une fois, à cause de la surestimation des moments satiriques, ces scènes-là perdent énormément en crédibilité. Comme ces instants intimes entre le général et sa femme, censés creuser la personnalité du héros alors qu’elles ne font que meubler l'ensemble. Ou encore une intervention militaire, devant souligner les bêtises de la guerre, qui n’a tout simplement pas la tension ni l’efficacité nécessaires pour vous tenir en haleine et mettre en valeur les thématiques du film. À cause de passages dits sérieux, l’ennui ne fait que grandir de minute en minute. Le désintéressement se fait de plus en plus fort. Et la joie de voir pointer le générique de fin n’en est que plus grande, malgré un dernier plan plutôt jouissif, du fait de la participation d’une autre célébrité hollywoodienne dans un rôle similaire à celui de Brad Pitt (je vous laisse la surprise de découvrir qui).


Que l’on soit pour ou contre War Machine, il faut lui reconnaître son ambition. Son parti pris osé. Mais s’aventurant dans un genre qu’il ne semble pas maîtrisé, David Michôd nous livre un long-métrage ne faisant pratiquement jamais mouche. Qui, malgré la présence d’artisans de renommée à la distribution (dont Dariusz Wolski à la photographie), se révèle être fade au possible en termes techniques. Ce long-métrage devait faire avancer Netflix dans une toute autre dimension cinématographique. S’il réussit à montrer que la plate-forme possède les moyens de livrer un film aussi prestigieux sur le papier, elle n’est pas encore arrivée au point de donner quelque chose de marquant pour ses abonnés. Peut-être pour la prochaine fois !

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6

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