Le réalisateur Mats Grorud a connu une enfance bercée par les histoires et récits de sa mère infirmière au Liban dans les années 80 . Plus tard le jeune homme se rendra lui même au Liban et commencera à recueillir de nombreux témoignages de palestiniens sur l'histoire et la vie dans les camps. De ces récits viendra la genèse du film d'animation Wardi dans lequel le réalisateur nous montre combien l’épanouissement d'une vie commence par l'ancrage profond de nos racines.
Wardi c'est donc l'histoire d'une petite fille palestinienne dont l'arrière grand père semble avoir renoncé à l'espoir au point de risquer de mourir très vite. Trop vite même aux yeux de la petite fille qui entreprend alors de dénicher un peu d'espoir en interrogeant les différents membres de sa famille afin de venir en abreuver de quelques gouttes son arrière grand père moribond.
Malgré son sujet , Wardi n'est pas un film militant, ni politique; même si le cœur du film reste l'histoire du conflit entre entre Israël et Palestine raconté ici par différentes générations le ton général est bien plus à la nostalgie et la mélancolie qu'à la colère et la revendication. En interrogeant plusieurs générations et plusieurs personnalités différentes le film de Mats Grorud nous permet d'embrasser une histoire chaotique de plus de 80 ans qui commence avec La Nakba le 15 mai 1948 . Plusieurs strates d'une histoire dans laquelle se mélange au fil du temps une profonde mélancolie d'une terre perdue, d'un bonheur simple et abandonné qui a doucement laissé sa place de générations en générations à la tristesse, la colère et la révolte. Wardi n'occulte jamais les horreurs de la guerre et du conflit mais l'ensemble du film est surtout bercé par la douce mélancolie d'une vie faites de larmes mais aussi de moments de joie fugaces à l'image de ses véritables photographie témoignant des sourires passés. Petit à petit en écoutant le récit de ses proches, en apprivoisant son histoire, en comprenant les racines de sa vie actuelle la petite Wardi en quête d'espoir pour son grand père devient l'espoir elle même, celui d'une nouvelle génération qui tout en connaissant le fardeau de son histoire passé portera la possibilité d'un avenir meilleur. Wardi est un très joli film qui porte en lui bien plus de douceur que de colère et qui petit à petit tisse la toile d'une mélancolie profonde jusqu'à un final qui bascule vers une poésie fantastique et émouvante.
Techniquement Wardi utilise deux techniques d'animation avec pour le présent des personnages en stop motion tout en rondeurs très stylisés mais touchants de réalisme et pour les nombreux flash-back le film passe à une animation plus traditionnel en 2D avec un graphisme très simple et épuré. Le film comporte aussi quelques images réelles comme des témoignages photographiques et des images d'actualités qui ancre encore un peu plus le film dans la nostalgie de ses personnages. Comme souvent en matière d'animation, ce choix de parti pris graphique très fort devrait permettre à Wardi de traverser le temps sans trop mal vieillir (à l'inverse des premiers films en 3D) ce qui est plutôt en adéquation avec le sujet même du film qui parle de la transmission de la mémoire et du passé.
Wardi est donc un très joli petit film d'animation , tout aussi fort , pertinent et émouvant dans le fond que charmant et touchant dans la forme .