A l'annonce de la sortie imminente d'une adaptation enfantée dans la douleur (que les producteurs hollywoodiens ont coutume d'appeler "Developpement Hell") j'ai lu les douze chapitres de Watchmen en quelques heures. J'y trouve beaucoup de bonnes choses, mais le style est au final trop déférant envers les Comics dont il s'inspire pour être le vrai coup de pied dans la fourmilière revendiqué dans le contenu. Seuls les deux derniers chapitres parviennent à vraiment brouiller la notion de héros et vilains de façon pertinente, mais je vois quand même un certaine intelligence dans la création des personnages, et leurs rapports à la vie (Rorshach en tête, bien évidemment)


Arrive Zack Snyder, déjà responsable d'un remake foireux de Dawn of the Dead et de 300. Il m'a convaincu en une bande annonce de ne pas aller voir le film au cinéma...

Par voie de conséquence, on m'a proposé de regarder le Director's Cut.


Trois heures de torture.


Dès les cinq premières minutes, le ton est donné : après une brève présentation de la géopolitique de ce 1985 alternatif (Mais sans Biff Tannen) on a droit à une scène interminable de castagne post-Pacte des Loups avec ralentis-accélérés-reralentis d'une inutilité totale et sonorisée par un autiste parkinsonnien sur un clavier bontempi sur lequel on a enregistré des coups de buches sur cul de vache !

Moi j'veux bien... L'outrance, ça m'connait... Mais dans le livre, cette scène est au discours rapporté et correspond à ce qu'imaginent les flics du combat sans merci.
Là, comme on a accès au début de la rixe ("c'était une question de temps, je suppose") on comprend que l'assaillant et le Comique se connaissaient, du coup la partie enquête devient franchement pénible, vu qu'on sait que c'est un des Watchmen qu'a fait l'coup... Toute la paranoïa de Rorschach devient conne comme la lune.



Au sujet de Rorchach, bien des paumés considèrent que Jackie Earle Haley livre une performance étourdissante, mais je vais vous arrêter tout de suite : il n'en est rien. Sa fausse voix rocailleuse calquée sur le Batman de Christian Bale le rend complètement quelconque, sans asperité. Il joue comme un méchant de films de Chuck Norris. C'est d'autant plus pénible que dans le livre, son psy est perturbé par le fait qu'il soit distant et friable, alors que là il se la joue bad-boy à la moindre réplique...



Tant que j'y suis sur les mauvais acteurs, le mec qui joue Ozymandias est le pire choix envisageable pour le rôle. Ni carrure, ni charisme, il traine sa diction détachée de collégien qui récite. Présenté comme l'homme le plus intelligent de la terre, il finit par m'évoquer Rain Man, surtout quand il s'énerve.



Bref, le film continue et propose un générique joliment fait, mais 2 fois trop long (sans doute pour utiliser toute la chanson, après tout les producteurs ont payé...) et ensuite la narration se fait laborieuse. Le caractère épisodique et morcelé du roman graphique n'est jamais mis en avant, ce qui a pour effet de perdre complètement toute idée d'intrigue générale sans qu'on puisse se convaincre que ce choix est délibéré. Et les scènes d'action ou de tension nerveuse souffrent toutes des excès de jeunisme décrits plus haut, dans la première bagarre de merde.



Au bout du compte, je me suis pris à penser que si je n'avais pas lu l'œuvre d'origine, les éléments qui ont survécu au "travail" d'adaptation m'auraient interpelé et sans doute plu. D'autant que les acteurs ne sont pas tous à foutre en l'air, Jeffrey Dean Morgan et Billy Crudup en tête. Mais l'ensemble étant encombré d'effets de mise-en-scène à la con, d'approximations et de contradictions dans l'adaptation que je n'ai pu qu'enchainer les soupirs... "c'est pas ça qu'il faut faire ! c'est pas ça qu'il faut faire !" répétais-je comme un mantra...



Coup de grâce, la fin est d'une connerie intersidérale et réduit en miette tout espoir de rédemption. Dans le roman graphique, Ozymandias simule une attaque d'origine indéterminée / extra-terrestre pour que les grandes puissances s'allient contre un ennemi commun plutôt que de se foutre sur la gueule. Pour ce faire, il téléporte des poulpes géants à travers le monde, ce qui a pour effet de foutre une sacrée pagaille...


Exeunt les poulpes dans le film. Il simule une attaque de... Doctor Manhattan !
Or Manhattan est un américain, connu pour avoir gagné à lui tout seul la guerre du Viet-Nam pour le compte des américains, qui vit en Amérique et fait des expériences américaines. Même si New-York trinque, la communauté internationale ne manquera pas de pointer du doigt cet affreux américain qui a pété les plombs à cause de l'Amérique qui l'a poussé à bout...

Je ne vois pas en quoi cette démarche arrangerait les choses ! Ça aurait même tendance à accélérer la guerre... Et dans le meilleur des cas, puisque Manhattan annonce son départ pour une autre galaxie, les peuples du monde, unis contre lui, vont-ils attendre des générations et des générations qu'une hypothétique attaque surprise pointe le bout de son nez ? Qu'est-ce qu'ils peuvent faire contre un Doctor Manhattan ? Franchement, cette fin du film c'est de la merde en barre.



Zack Snyder a pondu le Clockwork Orange de notre temps : l'adaptation d'une œuvre intelligente et percutante, rendue complètement foireuse par la surabondance de gimmicks et d'effets esthétisants à la mord-moi-le-nœud.


Créée

le 3 oct. 2011

Critique lue 942 fois

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Mike Öpuvty

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