Wave
6.3
Wave

Court-métrage de TJ O'Grady Peyton et Benjamin Cleary (2017)

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Les vagues et leur ressac, comme je m'en sacre

Wave, c’est l’exemple typique de ce qui me rebute le plus dans un court-métrage et me rend méfiant face aux autres œuvres regroupées sous cette bannière. On lui reconnaitra au moins la décence de ne pas perdre notre temps outre mesure, mais cette brièveté est bien la raison pourquoi le film ne vaut pas le détour. Son idée centrale présente un défi de taille : comment retranscrire à l’écran la profonde solitude d’un homme au milieu de la foule, le tout en moins d’un quart d’heure? Si vous avez une idée, faites-en part au réalisateur, il n’est peut-être pas trop tard pour sauver ses futurs projets d’un tel ratage. Pour Wave on n’y peut rien, on restera avec une œuvre qui décrète l’isolement de son protagoniste et qui suppose ce dictat assez fort pour résister à une structure narrative qui s’en fout. Après tout, difficile de croire à la monotonie de son existence quand le poids de celle-ci ne doit être portée que pendant 13 minutes, 13 minutes pendant lesquelles les évènements s’enchainent et on bénéficie de la présence quasi-constante du narrateur. Sérieusement, l’histoire parle d’un homme rendu incapable de comprendre aucune langue que nous connaissons et ça n’arrête pas les scénaristes de bavasser une seconde avec les spectateurs, paye ton immersion. Même le montage possède un rythme soutenu, les cinéastes sont tellement préoccupés d’être « cool » et de garder l’attention du spectateur en agitant des clés devant lui qu’ils en oublient de lui faire ressentir quoi que ce soit de cohérent avec le sujet du film. J’apprécie tout de même que l’œuvre possède un certain style plus personnel que ce qui m’a été donné de voir dans d’autres court-métrages, je relativiserai cela en disant que des courts-métrages je n’en voie pas tellement et qu’un style qui dessert son histoire, on peut bien s’en passer.


Le gros de mon problème avec le film s’articule donc autour de ça, cette profonde indifférence ressentie au cours de celui-ci. Cependant, la sévérité de ma critique ne découle pas uniquement de ce sentiment, elle vient aussi de ces ruptures momentanées de la monotonie dans la seconde moitié, où le pas est franchi entre apathie et antipathie. On pourrait débattre pour savoir si l’absence totale d’émotion aurait été préférable, mais dans le cas présent cela n’effacerait pas les grands coups d’écriture médiocre assénés au spectateur. Le protagoniste ne s’entend pas avec la seule autre personne au monde souffrant de la même condition que lui? Heureusement que cette personne est la lie de l’humanité, on pourra la rejeter sans regrets. La représentation de l’internet n’échappe pas à ces traits d’écritures maladroits, il est présenté tantôt comme un canalisateur de mépris, tantôt comme un formidable véhicule pour la bonté humaine, comme si le scénario avait été écrit par une personne bipolaire ne touchant à un ordinateur que deux-trois fois par année. Le moment le plus poussif reste cependant le dernier, celui de la tonitruante arrivée de « Rock 'n' Roll Suicide » de Bowie qui vient tenter de faire ressentir tout ce que le film n’arrivait pas à susciter lui-même. Un texte à l’écran m’intimant d’être heureux et d’avoir foi en l’humanité aurait eu plus de subtilité que cette séquence, et pourtant elle n’a pu retirer de moi qu’un roulement d’yeux. Après tout, qu’y avait-il à gâcher?

Tony_Redford
3
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le 3 févr. 2021

Critique lue 258 fois

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