We Need to Talk About Kevin

La réalisatrice nous projette sans ménagement dans cette histoire tirée d'un roman de Lionel Shriver. Elle nous livre un portrait à froid d'un rapport dysfonctionnel entre une mère et son fils. Tilda Swinton et Ezra Miller s'affrontent dans un combat acharné et un jeu insoutenable du "premier qui dit "Je t'aime" a perdu". Leur interprétation est d'une ambiguïté vénéneuse, déchirante et bluffante. De leurs personnages se dégagent une puissance presque dérangeante.

La réalisatrice nous propose une mise en scène minimaliste, décentrée et méticuleuse. Minutieusement agencé, chaque plan est précis jusqu'au moindre détail, son ambiance, sa musique, son montage, ses personnages, tout est intelligement construit. Parallélismes constants entre l'attitude de la mère et celle de son fils - comme ses ongles qu'il s'arrache et qu'il aligne mathématiquement sur la table et les coquilles d'oeuf qu'elle extrait de sa bouche pour les déposer méticuleusement sur son assiette. Parallèle saisissant et troublant où se confondent le monstre et la victime. Elle nous transmet ce malaise dans une esthétique épurée et originale, sur fond de vieilles musiques countrysantes.
Etrange puzzle brutal fait de symbolisme, comme cette couleur rouge obsédante, nous rappelant l'Amour et la violence.
On reste suspendu sur le fil des non-dits et d'un silence sourd, tantôt glacial, tantôt bouleversant. La réalisatrice ne nous laisse aucune échappatoire, plongeant Eva et Kevin dans l'insurmontable possibilité de se frôler, de s'ouvrir sur un dialogue. Dialogue ayant perdu sa légitimité naturelle, dès la naissance de cet enfant "mal" désiré, enlevant à sa mère sa liberté de femme.

Aucun chemin ne leur semble possible pour évacuer colères et tensions. Celles-ci ne pourront qu'exploser violemment.

Un peu comme comme un compte à rebours annonçant l'inévitable. Tic Tac... Tic Tac... Magistral.