Regarder le film juste après avoir lu et aimé le livre...la déception était prévisible et je ne peux m'en prendre qu'à moi-même.

Car malgré des acteurs exceptionnels, comment diable peut-on rendre 600 pages de drame psychologique, de réflexions, de détails et d'introspection en 1h40 de pellicule?
Pour les scénarios adaptés, le casse-tête se transforme souvent en casse-gueule. C'est en partie le cas ici. On se retrouve devant le syndrôme des films "Harry Potter": le film n'est au final qu'une illustration léchée et plutôt classe du roman. Mais malheureusement, rien de plus. Ce qui pose le double problème suivant: 1/sera-t-il suffisant pour restituer la richesse du récit et convaincre un spectateur qui n'aurait pas lu le livre? 2/peut-il susciter l'intérêt ou l'affection des amateurs de l'oeuvre originale?

J'ai l'impression que la réponse à ces deux questions est plutôt 'non', et ce pour les mêmes raisons:
le roman épistolaire de Lionel Shriver déroule un long monologue-confession de la mère de Kevin (Eva), une plongée dans l'enfer de ses 18 dernières années. Elle y passe en revue avec force détails le duel qui l'oppose à son fils depuis qu'elle l'a mis au monde - bataille incessante dont l'issue tragique est éludée d'entrée de jeu pour mieux mettre en avant le chemin de croix parcouru. Eva n'épargne rien ni personne, pas même elle, consciente de sa part de responsabilité, et se livre entièrement.
En regardant le film, tout lecteur aura l'impression d'assister à une projection de morceaux choisis, représentatifs du livre, mais clairement pas suffisants, ni pour en exposer les enjeux aux néophytes, ni pour en restituer l'essence aux initiés. Le caractère d'Eva, toute la complexité et l'histoire de son personnage ne sont quasiment pas exploités. Que l'on passe sur certains éléments de l'histoire pour des raisons de timing, passe encore. Mais qu'on sème des éléments sans explication ni lien avec le reste du film pour cause de montage bancal est difficilement acceptable: j'en veux pour preuve la première scène, incompréhensible pour qui n'aurait pas lu le bouquin.
Pire encore, on a même droit à une scène qui trahit purement et simplement le texte original: Kevin, 6 ans, joue à un jeu video apparemment violent contre son père. Il a le regard mauvais, et piaille des "Meurs!" et "J't'ai tué!" à répétition. Qu'on m'explique la raison d'être de cette scène, alors que le livre s'attarde suffisamment longtemps pour dénoncer ce genre de raccourci facile et complètement bidon! Antipathie légendaire du cinéma envers le joystick? Point de vue de la réalisatrice? Ou, justement, "raccourci facile" pour ne pas perdre de temps en finesse avec "seulement 1h40"?

A part ces quelques défaut, la réalisation n'est pas mauvaise, loin de là. Mais certains effets sont vraiment agaçants. Les sauts dans le temps du permier quart d'heure, qui heureusement vont s'espacer par la suite, sont rythmés comme une crise d'épilepsie et au lieu de susciter la curiosité (car à part avoir confié la tâche à un stagiaire, je ne vois pas d'autre explication), ils font plutôt mal à la tête.
Quant au symbolisme du bain de sang et du nettoyage/purgatoire (si on peut encore parler de symbolisme tellement c'est lourdeau), il lasse très vite parce que bien trop grossièrement appuyé par absolument tout ce qui peut passer dans le cadre (soupe de tomate, peinture, éclairage...).

Pourquoi noter 6/10 alors? et bien parce que malgré tous ses défauts, le film reste bon, campé dans l'horreur jusqu'au bout, assez fidèle à l'histoire d'origine, et surtout remarquablement interprété. On peut bien sûr rêver à ce qu'il aurait pu être entre les mains d'un réalisateur de génie. En l'état, mieux vaut pousser un soupir de soulagement à constater qu'il évite avec grâce la plupart des chausses-trappes de ce sujet si...casse-gueule!

Finalement, le film souffre de la comparaison avec son talentueux grand frère de papier. Et comme souvent dans ces cas-là, alors que défile le générique de fin, je ne peux m'empêcher de me demander si l'adaptation était vraiment nécessaire.
Djeeb
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le 13 févr. 2012

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Djeeb

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