Grosse claque d'une noirceur absolue. L'enfer selon Godard, avec ces routes rouges de sang, ces voitures embrasées, ces corps qui jonchent sur le sol, ces personnages violents et haineux qui hurlent sans discontinuer. Mais le film est aussi d'une grâce absolue, avec deux longs plans-séquences en travelling merveilleux (les bouchons de campagne, et celui dans la ferme) mêlés dans cette fresque inhumaine cauchemardesque, où Jean Yanne et Mireille Darc, tous deux d'un cynisme et d'une immoralité extrêmes, au bord de la folie et de l'absurde, entourés de révolutionnaires déshumanisés par le Vietnam, contemplent et se fondent dans le visage de l'horreur. Certainement le Godard le plus accessible (si on passe sur le début un peu trop abscons et maladroit) et le plus riche de sens. Politique, poétique, littéraire, et surtout cinématographique. Le Septième Art n'a pas attendu Apocalypse Now pour une entreprise infernale, où la folie progresse dans un crescendo affolant avant d'exploser, et je me demande alors pourquoi et comment ce film n'est pas davantage entré dans l'Histoire.