Week-end : Précurseur de l’arrivée des films d’horreur contestataires Outre-Atlantique

N’y allons pas par quatre chemins, il créé une vraie scission entre deux cinémas de la nouvelle Vague : celui de Godard et celui de Truffaut, plus traditionnel, si l’on peut dire, ayant ma préférence. Avec ce long métrage, c’est un vrai pavé dans la mare que propose Godard au public, en étant plus extrême que le cinéma français habituel. Il est conscient que sa création n’est pas comme les autres, car il le précise dans un insert intrigant :

c’est un film égaré dans le cosmos.

Il n’est pas souvent évoqué lorsqu’on parle de sa carrière alors qu’il précise beaucoup de choses sur l’état d’esprit et l’engagement politique de son auteur.


Week-end s’inscrit totalement dans son époque où les conflits géopolitiques prennent une place de plus en importante dans le monde entier. Sans oublier, bien évidemment, l’arrivée inespérée de révolutions sous toutes ses formes (sociale, économique…) exprimant un ras le bol de plus en plus majoritaire. Avec ce film, Godard se radicalise en mettant en image toute cette violence et pression qui en résulte sur notre société, tout en apportant une dimension politique inédite, à la limite de l’horreur et de l’apocalypse.

On est véritablement dans la même démarche artistique que celle de la nuit des morts vivants de Romero sorti un an plus tard ou de Massacre à la tronçonneuse de Hooper (1974) qui sont des œuvres très critiques à l’égard de la société des Etats Unis en pleine mutation sociale et à la dérive politiquement, après son intervention dans différents conflits armés depuis la seconde guerre mondiale.

Ainsi, on peut, sans doute, le considérer comme le premier film d’horreur contemporain français en couleur. Je trouve que l’on peut difficilement rire du spectacle proposé car il va très loin dans ce qu’il propose.


Bien évidemment, ne faisant rien comme les autres, Jean-Luc Godard va continuellement exploser les règles de la mise en scène, avec des inserts impromptus entre des scènes n’ayant pas forcément de lien avec celle d’avant. J'ai eu l'impression parfois d’une juxtaposition de scénettes ou de sketchs assez déconcertants où la cohérence scénaristique n’est pas vraiment une priorité dans le récit. Cela contribue à la diminution de l’intérêt pour le spectateur à suivre les pérégrinations des personnages principaux.


Au final, on doit supporter, pendant plus d’1h30, un couple ordinaire devant partir un week-end à Ouinville, endroit où personne n’a vraiment envie d’aller apparemment. Ce dernier est interprété par Jean Yanne et Mireille Darc qui ont l’air de s’emmerder comme jamais, notamment lors d’un travelling circulaire ou d’un plan fixe, en pleine campagne.


Autre aspect gênant, à la longue, est le fait de la présence de musique ou bruis parasites couvrant certains propos des personnages comme si le réalisateur voulait censurer leur dialogue. Cela est vraiment frappant avec celui de Mireille Darc quand elle parle à un homme (que l’on ne reverra plus par la suite) de ses ébats sexuels, en sous-vêtements. Oui, je vous le confirme : c’est bien la caractérisation du personnage proposé au tout début par le metteur en scène. Je préfère prévenir tout de suite aucun des personnages est vraiment mis en valeur, autant les femmes que les hommes. Donc pour apprécier le film, il faut chercher ailleurs.


Je précise que le jeu des acteurs (non professionnels pour la plupart, à mon avis) est assez inexistant car ces derniers déblatèrent leur texte sans réelle conviction. C’est un véritable comble lorsqu’ils dénoncent certaines situations sociales, économiques et politiques pour que le public réagisse réellement à ce qu’il entend.


Comme à son habitude, Godard se fait plaisir en proposant « un des plus longs travellings de l’histoire du cinéma » (7 minutes 30 au moment de la sortie du film) montrant l’étendue d’un embouteillage complètement surréaliste et assez agaçant, pour le spectateur, avec le bruit incessant des klaxons et le brouhaha des gens tout du long. On retrouvera un peu la même approche délirante dans le Grand Embouteillage de Comencini, mais avec un peu plus d’humour.


De plus, chose assez rare pour un film d’auteur, la présence outrancière de placements de produits éparpillés tout au long du métrage est assez étonnante. Doit-on la percevoir comme une critique détournée de notre société de consommation ? Peut-être, mais on peut aussi penser qu’il s’agit des marques ayant contribué à financer une partie de cette production italo-française. Difficile d’avoir la réponse définitive car il n’y a pas de générique de fin.


Un autre élément expliquant pourquoi Week-end est si difficile à trouver en support physique est la mise à mort en direct d’animaux. Je pense que la PETA ou Brigitte Bardot, qui a été pourtant sa muse à une époque, ferait tout pour que ces scènes soient retirées aujourd’hui. Sans parler de l’indifférence manifeste au viol, à deux reprises, qui pouvait passer éventuellement, à l’époque, pour de l’humour machiste. Aujourd’hui, elle serait totalement censurée, et encore plus depuis l’affaire Weinstein.


Conclusion :

Cela reste un film très représentatif de son époque devançant l’émergence des films américains d’horreur contestataires des années 70. Malgré tout, l’ensemble ne m’a pas transporté car l’histoire n’a, au final, que peu d’intérêt, si ce n’est pour entendre le point de vue très personnel (et parfois contestable) de Godard sur certains sujets abordés, à travers les propos de personnages n’ayant aucun développement psychologique, à part celui d’émettre une argumentation et un avis, sans lien avec l’histoire du couple dont on se fout éperdument de ce qui leur arrive.

Et pourtant, il montre bien comment l’absence de communication, de compréhension et le mépris entre les êtres (même au sein du couple) n’amène que folie et destruction dans lequel le monde actuel s’enfonce de plus en plus…

Hawk
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le 19 juin 2022

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