Quarante années se sont écoulées depuis la sortie officielle du West Indies de Med Hondo, acteur, réalisateur et doubleur de génie ( principalement connu en France pour avoir prêté sa voix au grand Morgan Freeman ou encore au désopilant Eddie Murphy )... Comment ne pas se fâcher en constatant la quasi-invisibilité d'un tel monument du Septième Art, gigantesque moment d'Art-somme convoquant toutes les formes et pléthore de registres sur à peine deux heures de métrage politiquement édifiantes ?
Med Hondo livre là une politique-fiction reprenant l'héritage théorique du dramaturge Bertold Brecht, construisant son manifeste tragi-comique comme un hénaurme opéra distancié. Tout, dans ce West Indies, n'est que pure re-présentation : apparence du dispositif scénographique, délimitation prononcée des contrastes, humour conscientisé amenant le spectateur à prendre directement du recul face à la farce à laquelle il assiste. Burlesque, musicale et pour le moins impressionnante cette oeuvre composite joue sur son caractère satirique avec force et bienveillance, prenant clairement et intelligemment position sur l'une des pages occultées de l'Histoire des colonies françaises. L'homme blanc y passe, tout de go : dignitaires indignes, prélats grotesques, pions de l'éducation nationale incapables de reculer devant l'autorité du gouvernement, hypocrisie syndicale et/ou progressiste et surtout valeurs républicaines appliquées à la faveur du vent...
Intemporel mais pourtant précisément ancré dans l'époque contemporaine de l'Histoire West Indies conjugue différentes périodes en les confrontant avec pertinence sur le plan idéologique. "Les vainqueurs écrivent l'Histoire" semble nous avertir le cinéaste... Des premières colonies antillaises à la Révolution de 1789 en passant par les différentes Républiques traversées par le peuple français ce brûlot ne mâche ni ses mots ni ses images. Un film exceptionnel, malheureusement trop rare et presque inconnu du commun des mortels. Il est temps d'incanter la reconnaissance du monstre Med Hondo.