Le rêve de Steven Spielberg était de faire une comédie musicale, il aura fallu 40 ans pour qu'il ose se lancer, comme quoi on peut être le chouchou d'Hollywood et avoir encore un syndrome de Peter Pan. Je vais le dire d'emblée, il n'est pas le maitre incontesté de la comédie musicale, en revanche il a filmé West Side Story comme une tragédie violente et ça il en est le maitre.


Parlons du premier long-métrage, réalisé par Robert Wise, puisque c’est pour ça que tout le monde attend au tournant le nouveau film de Steven Spielberg, voire même ne comprennent pas l'idée d'un remake mais ne jure que par la troisième version de Spiderman qui sort mercredi. Je connais bien le premier film, je l'apprécie sans m'extasier devant, mais on ne parle pas d'un remake de ce film-là mais d'une nouvelle adaptation du spectacle musical, et oui ça change tout. On passe d'un art à un autre, comme on passe du papier glacé au cinéma chez Marvel. Et je peux vous dire que Spielberg a su être d’une fidélité impeccable par moment et s’autoriser de grandes libertés à d’autres. Et c'est, je pense, la meilleure qualité d’une adaptation.


La modernité qu'apporte Spielberg est subtile mais bien présente, il emploie par exemple des mots qui n'existent pas dans la version originale comme lesbienne, à entendre ici comme une insulte, ou violeur. Il assume aussi pleinement le rôle d'Anybodys comme transgenre. Il ajoute une dimension politique bien plus puissante, et joue avec les symboles forts, comme recouvrir de peinture un drapeau, comme les barreaux du balcon qui séparent Roméo de Juliette, enfin Tony de Maria avec une mise en scène radicalement différente que dans l'originale. Où encore là où Robert Wise insistait pour contourner le dessin à la craie d’une petite fille sur le sol, ici Spielberg piétine tout. Il donne son point de vue, et il est sombre, presque pessimiste. Il nous annonce même d'emblée que cette guerre de clan est encore plus vaine qu'à l'origine car dans cette version, le quartier sera de toute manière rasé.


Tout le cinéma de Spielberg est là, et évidemment il raconte autant notre époque que les années 60. Comme à son habitude, il signe des jeux de reflets, de miroirs et d’ombres. L'image est d'une beauté époustouflante, la bande son est millimétré au point que le moindre pschitt de laque pour cheveux est intégré au rythme incessant. Les comédiens sont filmés au plus près nous dévoilant chaque centimètre carré de leurs visages d'anges aux ailes brisés, on est plongé dans leurs émotions, on s'attache à eux bien plus que l'éthique le voudrait, et connaître la fin ne nous importe pas, c'est le spectacle qui compte.


Le casting est parfait, sans fausse note, ils donnent une nouvelle dimension à ces rôles iconiques. Tous les comédiens sont latinos côté Sharks, c'est une évidence de nos jours, mais surtout le film assume une vraie bilingualité, nous annonçant ainsi que l'espagnol est aussi important que l'anglais aux Etats Unis. Spielberg a réussi à réinventer le sacré.


La réplique qui m'a marqué :


Dans cette version Tony est déjà coupable de meurtre alors qu'il rencontre Maria


et il lui dit : « Je me revois le tuer et c'est comme tomber du toit du plus haut immeuble du monde. J’ai arrêté de tomber au moment où je t’ai vu »

Leah_Marciano
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le 14 déc. 2021

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