Religion est l’un de ces campements du Grand Ouest, un amas de tentes vaguement étançonnées, qui aimerait devenir une ville. Afin d’attirer du monde et de l’argent, celui qui tient lieu de maire organise un tournoi de poker dont le prix est une croix en or massif. Le concours séduit toutes sortes de personnages, un dandy, un prince obscur, un prestidigitateur, un charpentier et, bien sûr, tout un tas de cowboys à la gâchette plus ou moins facile. Malgré l’interdiction des armes pendant le tournoi, les morts s’accumulent sous l’œil désabusé du prêcheur. Lui connaît le véritable enjeu de ce concours, car c’est son maître qui compte l’empocher.


Western Religion est un petit film fauché fait par des inconnus. Certains acteurs ont vu leur nom dans des œuvres grand public, mais la plupart sont parfaitement anonymes. Le réalisateur aussi n’a rien réalisé de notable. Et pourtant…


Avec si peu de moyens financiers et, disons-le brutalement, de talents, les attentes ne sont pas extraordinaires. L’histoire se déroule dans ce curieux village de tentes perdu dans le désert avec des costumes un peu trop neufs pour faire d’époque. Certains acteurs jouent biens, d’autres non. La caméra ne quitte quasiment jamais le plan moyen ou le plan américain (pour ceux qui n’ont pas wikipédia, on ne voit jamais les pieds des personnages ; si ça se trouve, ils tournent tous en tongs). Le peu d’effets spéciaux sort des années 90, avec un travail louable sur la pellicule pour pallier au manque d’ordinateur.


En revanche, le scénario est bon. L’idée de faire un western fantastique sans zombie, c’est déjà une bonne idée (il faudrait un cotât annuel de films abordant les revenants, les morts-vivants et autres vampires). Le concours de poker est bien rendu, avec un bon jeu de regards et des gros plans sur les cartes ; mêmes les incultes comme moi comprennent quand le joueur a une bonne main. La magie est délicatement suggérée, avec une retenue bienvenue (sûrement par manque de moyens, sans doute), mais qui la rend justement mystérieuse et intrigante. La narration contient quelques rebondissements qui, s’ils n’apportent rien d’extraordinaire à l’histoire, sont inattendus et rafraîchissant. Bien sûr, l’intrigue est assez simple et la chute

le remplacement de la croix

se voit à des kilomètres. Mais ce n’est pas un thriller.


La galerie de personnages est également réussie. Chaque élément campe un caractère particulier plutôt original (un prince arabe ou un prestidigitateur, quelle bonne idée !). On finit par s’attacher à toutes cette petite bande, de la maquerelle qui dégaine plus vite que son ombre à son abruti d’amant et même à l’insupportable dandy.


Non, seul le diable est (à mon sens) foiré. Le Malin ne l’est pas du tout dans cette histoire. Tenter de séduire sous les traits d’un gunslinger terrifiant ne marche que très moyennement, alors qu’il aurait été bien plus efficace sous les traits de l’écrivain par exemple, ou même du charpentier crétin. Non, ici, le diable est carrément débile. Il révèle sans scrupule sa nature pendant le duel (et d’ailleurs, personne ne le calcule, ce qui est une faute directe de narration). Et surtout, il se fait entuber par trois simples mortels. C’est pas très Malin (j’ai pas pu résister). La fin est donc ultra naïve, avec un happy end rose bonbon déplacé. La mort juste du prêcheur aurait été bien meilleure pour envoyer le générique.


Malgré ses maladresses et son manque de moyens, Western Religion est un western fantastique original qui se regarde avec intérêt. Comme quoi, le talent se cache partout.


OeilDePatrick
5
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le 10 oct. 2023

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